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avoir pris dans l’Essai sur la liberté, de Stuart Mill, ses idées sur le pouvoir absolu. Chang-hai, Hong-kong, le Japon sont des officines d’où sortent de violens pamphlets contre l’Impératrice douairière et contre les Mandchoux, tels que cette Histoire secrète de la dynastie des Ming, où les scandales, vrais ou supposés, de la vie de Tze-Hi, sont étalés au grand jour. Les révolutionnaires, partisans de Sun-Yat-Sen, mondent la Chine de brochures imprimées au Japon où ils annoncent la fin prochaine de la dynastie et son remplacement par un gouvernement imité de l’Amérique. Le patriotisme de cette turbulente jeunesse prend une forme agressive et exclusive ; dans les universités nippones, les Chinois sont liés surtout avec les shoshis et ils apprennent d’eux à ne pas hésiter, même devant le crime, pour assurer à leur pays la liberté et le progrès : c’est l’un d’eux qui, l’année dernière, à Chang-hai, tenta d’assassiner Wang-Tche-Tchoun, ancien gouverneur du Kouang-si, que leurs journaux accusaient d’avoir voulu appeler des troupes françaises dans sa province, pour l’aider à venir à bout des rebelles, et de chercher à vendre la concession de la ligne Han-keou-Canton aux Belges et aux Français qui, disaient-ils, n’étaient que les mandataires et les prête-noms des Russes. Journaux et pamphlets ne cessent de vanter les Japonais et de les comparer aux Européens. Dans un libelle publié à Chang-hai, à la fin de 1904, et intitulé la Cloche destinée à réveiller notre époque, un ancien élève des Japonais oppose le mépris dont les jeunes Chinois sont l’objet dans les pays « blancs, » aux bons procédés dont les comblent leurs camarades « jaunes ; » il rappelle avec indignation l’avis affiché à l’entrée du jardin public de la concession européenne de Chang-hai : « L’entrée du jardin est interdite aux chiens et aux Chinois. » Les journaux ne manquent pas une occasion de relater les bons offices du gouvernement japonais envers la Chine, ou les initiatives gracieuses des sujets du Mikado : l’un d’eux, il y a quelques mois, louait cette association japonaise qui s’est donné pour mission de profiter de l’alliance anglo-japonaise pour obtenir de la Grande-Bretagne qu’elle renonce bénévolement au bénéfice honteux du traité de l’opium : symptôme significatif pour l’avenir ! Il faut reconnaître que nos journaux français, publiés en Indo-Chine ou à Chang-hai, donnent souvent prise aux critiques justifiées de la presse chinoise ; c’est ainsi qu’elle n’a pas manqué de relever vivement, en