Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 28.djvu/806

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

disciplinés et bien équipés, mais partout des écoles de cadets ont été créées ; ne faut-il pas former d’abord des cadres avant d’appeler des recrues[1] ? Outre les écoles provinciales, quatre écoles supérieures comparables à notre Saint-Cyr ont été ouvertes à Paoting, Ou-tchan, Nankin et Canton. Dans toutes ces écoles, sauf deux, où des instructeurs allemands se sont maintenus grâce à l’influence de la maison Krupp, l’instruction militaire est donnée par des Japonais ou par des Chinois formés au Japon. Auprès de tous les généraux des troupes chinoises provinciales, et même auprès des maréchaux tartares, on trouve un ou deux Japonais, généralement officiers passés dans le cadre de réserve, qui sont chargés de toute l’instruction technique. Les officiers européens sont partout obligés de céder la place. Comment lutteraient-ils d’ailleurs ? Un Japonais demande 80 à 100 taels par mois, un Allemand ou un Anglais exige de 300 à 350 taëls ! A l’école militaire de Canton, aux portes de l’Indo-Chine, les six professeurs étrangers sont tous japonais ; japonais aussi les instructeurs à Yun-nan-sen. On a si bien compris, à Tokio, l’importance de cette œuvre d’éducation militaire que même les énormes vides causés par la guerre n’ont pas fait rappeler les instructeurs détachés dans l’Empire du Milieu. Chaque année plus de 700 jeunes Chinois, frais émoulus des écoles du Japon, reçoivent un grade dans l’armée de la province qui a fait les frais de leur stage ; ils reviennent imbus des doctrines militaires de l’état-major de Tokio, transfigurés par l’atmosphère de patriotisme exalté et de sacrifice volontaire où ils ont vécu pendant trois ans. La Chine compte actuellement plus de 3 000 officiers instruits à la japonaise ; tous s’enthousiasment au récit des victoires de leurs maîtres et brûlent de les imiter. A Fou-tcheou, dans la province du Fo-kien, la plus « japonisée » de toutes, les professeurs de l’école militaire, parmi lesquels deux Japonais officiellement attachés à l’école, ont fait des conférences sur les batailles de Mandchourie et illuminé à la gloire des vainqueurs ; les protestations du consul de Russie se sont perdues dans l’enivrement du triomphe des « Jaunes. » Le capitaine d’Ollone, qui

  1. On compte actuellement 22 écoles de cadets ou écoles d’application, dont deux pour les Mandchoux, avec 3 364 cadets ou officiers stagiaires. Voyez la statistique détaillée par provinces dans la conférence très intéressante publiée par M. Paul Pelliot dans le Bulletin du Comité de l’Asie française d’avril 1905, p. 132. Nous avons emprunté divers renseignemens a cet excellent travail.