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Exhortation à l’étude, est le véritable manifeste du parti réformiste. Tchang-Tche-Tong est un réformateur, un traditionaliste et un nationaliste ; sa voix indignée n’a jamais manqué de protester chaque fois que le gouvernement a cédé une parcelle du territoire chinois ; sans toucher au vieux fonds de l’organisation sociale et morale de la Chine, il recommande d’adopter tout ce que l’on trouvera à l’étranger d’utile au bien de l’Empire et de demander aux Japonais des conseils et des professeurs. Lui-même donne l’exemple, fait appel à des Nippons pour l’organisation de ses troupes et de son Université, envoie des jeunes gens de son gouvernement faire leurs études à Tokio. La Jacquerie démagogique des Boxeurs, loin d’arrêter le progrès des idées nouvelles, ne fit que l’accélérer ; les événements de 1900 montrèrent la Chine hors d’état de fermer ses portes aux étrangers et permirent aux Japonais de donner une seconde et vigoureuse leçon à l’inertie du gouvernement chinois. Les vice-rois du Yang-tse, Tchang-Tche-Tong et son collègue de Nankin, qui avaient su maintenir la paix et l’ordre dans leurs gouvernemens et avaient pris sur eux de conclure avec les consuls étrangers des conventions particulières pour le maintien de la sécurité publique, virent leur autorité s’accroître en proportion des services qu’ils avaient rendus pendant la période des troubles ; l’insurrection réprimée, l’Impératrice chercha à s’appuyer sur eux pour fortifier son gouvernement en adoptant une partie de leurs projets réformistes. Le vice-roi du Tche-li, Yuan-Chi-Kai, avait été, en 1898, le soutien de l’Impératrice et le proscripteur des réformateurs ; très influent à la Cour et disposant des meilleures troupes de l’Empire, il est aujourd’hui, avec Tchang-Tche-Tong, le plus ardent promoteur des réformes et le plus zélé propagateur des idées et des procédés japonais. L’influence prépondérante de ces deux personnages a déterminé une évolution générale dans l’esprit public : aujourd’hui, à part quelques hauts mandarins et quelques lettrés qui s’obstinent à bouder toute innovation, l’élite intellectuelle des hommes qui gouvernent la Chine accepte et mette en pratique les idées réformistes ; les Mandchoux eux-mêmes ne veulent plus rester en arrière ; les provinces qui passaient autrefois pour les plus fermées aux étrangers, comme le Hou-nan, sont maintenant les plus pressées de courir aux nouveautés. La Cour a suivi le mouvement, suivant la formule éternellement vraie, pour continuer à le diriger ; les derniers