Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 28.djvu/781

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Beauvau, flanqué de Jaclard et d’Albert Richard. L’audience fut courte. Gambetta pendant dix minutes nous aspergea d’une eau bénite dont mes compagnons, plus accommodans que je ne l’eusse cru, parurent se contenter, et nous prîmes, congé avec le sentiment du devoir accompli.


VII

Le 12 septembre au matin, je m’acheminai vers la gare. De Paris à Lyon le voyage fut lugubre ; à chaque station s’engouffraient dans les wagons des familles qui fuyaient l’approche des Allemands ; mes regards ne se détachaient pas de l’horizon brumeux, où il semblait à chaque instant qu’allait paraître l’envahisseur.

J’arrivai à temps pour communiquer au Comité de Salut public, dans la dernière séance du même jour, les impressions que je rapportais de mon voyage : « La révolution à Paris s’était accomplie sans violences, sans arrestations, sans confiscations ; les magistrats de l’Empire, voire même les commissaires de police, restaient au service de la République ; parmi ces derniers, ceux-là seulement avaient été révoqués qui avaient pris part au coup d’État du 2 décembre : les préoccupations patriotiques dominant toutes les autres unissaient les citoyens, sans distinction d’opinions, dans une fraternelle ardeur pour la défense du territoire. » J’exprimai l’espoir que l’exemple de Paris serait suivi par Lyon.

Le Comité avait continué à légiférer ; il avait supprimé l’octroi, qui représentait plus des trois quarts des recettes de la ville et l’avait remplacé par un impôt sur la valeur des immeubles et sur le capital des valeurs mobilières ; il avait décrété que les commissaires de police seraient élus au suffrage universel ; que les sergens de ville seraient révoqués, désarmés et expulsés de leurs casernes ; il avait voté la suppression des communautés religieuses, la confiscation de leurs biens, une réquisition de vingt millions sur les riches, en attendant l’impôt, trop long à percevoir, et à défaut d’un emprunt trop difficile à réaliser.

J’essayais en vain d’enrayer les usurpations de la Commune sur les droits du pouvoir central. Je lis au procès-verbal de la séance du 14 septembre : « Le citoyen Andrieux dit que nous faisons une œuvre inutile en décrétant des lois que nous ne