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Estimant qu’il importait d’appeler au plus tôt l’attention du gouvernement de la Défense nationale sur la gravité de ce qui se passait à Lyon, je n’avais pas cru devoir refuser le mandat du club de la Rotonde. Je partis le 9 septembre au soir, en compagnie d’Albert Richard et de Jaclard, que je me réservais de piloter de façon à préparer un heureux échec de leurs encombrantes prétentions.

Le lendemain, comme je sortais de déjeuner dans un café du boulevard, je fus accosté par un inconnu, correctement vêtu d’une redingote, qui, levant son chapeau haut de forme, m’interrogea :

— Monsieur Andrieux ?

— Oui, monsieur.

— Je suis le citoyen Raoul Rigault, commissaire de police.

Ce nom ne me disait rien. Le futur « délégué à l’ex-préfecture de police, » le futur procureur de la Commune n’avait pas sur les mains le sang des otages, et rien ne faisait présager la sinistre destinée qui lui était réservée.

Sans tarder, je me rendis à la vieille Préfecture de police, qui, adossée au Palais de Justice, s’ouvrait alors sur la rue de Harlay, à l’extrémité de la place Dauphine, et s’étendait du quai de l’Horloge au quai des Orfèvres. A travers des couloirs sombres et par de mauvais escaliers, j’arrivai au cabinet du secrétaire général. Nulle administration n’était plus mal logée.

Quand je l’avais connu, Antonin Dubost était premier clerc chez Me Terme, avoué près le tribunal civil de Lyon. Grâce à la bienveillance du patron, je plaidais quelquefois pour les cliens de l’étude.

Jeune, ardent, les cheveux en brosse, le teint coloré, d’une activité toujours en éveil, Antonin Dubost menait, comme en tandem, la basoche et la politique. Il avait dans ces deux branches la confiance de Le Royer, avocat distingué du barreau de Lyon, alors vénérable de la loge le Parfait Silence, en attendant qu’il le devînt de celle du Luxembourg, disons du Sénat, pour les profanes.

Mis en vedette par les élections législatives de 1869, son candidat Bancel, qu’il avait ramené de Belgique, ayant battu le docteur Hénon, Dubost avait accompagné le nouvel élu à Paris, et s’y rencontrait à point lors des événemens du 4 Septembre.

Je trouvai Dubost aussi à son aise dans sa récente fonction