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prison le régent et de le faire étrangler. Aux yeux de ses sujets et de ses fidèles, il passait pour avoir de l’ambition, s’occuper par lui-même des affaires de son pays et ne vouloir pas jouer le rôle d’idole condamnée à une existence de majestueux servage réservée habituellement au dalaï-lama. Se voyant dépouillé, au même moment, de territoires au Sikkim considérés comme lui appartenant, menacé dans son autorité politique par l’ouverture du Thibet au commerce anglais et dans son prestige religieux par les avances du gouvernement de l’Inde à son rival de Taschi-lumbo, Tombdan Gyamtso se mit à chercher un appui et ne pouvant compter sur la Chine dont la puissance est pour le moment affaiblie, alla prendre conseil ailleurs.

Depuis que la nécessité d’une politique d’expansion l’a amenée à s’annexer des populations bouddhistes, la Russie s’est attachée à entretenir des relations d’amitié avec les grands chefs spirituels du lamaïsme. Les premières tentatives en ce genre qui furent faites par elle remontent à l’époque de Catherine II, qui fit proposer plusieurs fois au taschi-lama d’établir des relations commerciales entre les provinces russes et l’intérieur du Thibet. La vigilante jalousie des Chinois empêcha ce projet d’aboutir, mais Catherine II fut plus heureuse d’un autre côté. Ayant envoyé au Grand-Lama d’Ourga en Mongolie des ambassadeurs chargés de riches présens avec mission d’inviter ce dernier à entrer en correspondance avec elle, elle obtint que des marchands russes viendraient commercer à Ourga, et, depuis lors, le gouvernement russe s’est efforcé d’entourer le Grand-Lama de Mongolie de prévenances et d’égards et a augmenté ses attentions envers ce haut personnage au fur et à mesure du développement de la population bouddhiste dans l’empire. Celle-ci, par suite des conquêtes et des annexions, est devenue assez nombreuse et comprend, dans la Russie d’Europe, les Kalmoucks d’Astrakan et de Stavropol, ceux du Volga et de l’Oural, et, en Sibérie, les Bouriates et une partie des Tunghouses. Favorisés par le gouvernement russe, qui accorde des subventions à leurs lamas, ces bouddhistes lui sont très dévoués et vantent partout, dans leurs pérégrinations en Asie Centrale, aux monastères d’Ourga, du Potala et de Taschi-lumbo, les bonnes dispositions du tsar blanc à l’égard des fidèles sectateurs de Bouddha. On conçoit que, dans ces conditions, le gouvernement de Lhassa ait été disposé à entamer conversation avec Saint-Pétersbourg. Ce