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jadis il ne reste plus que quatre-vingts petits chefs vivant sur la frontière entre le Thibet et le Sé-Tchouen et plus ou moins dépendans de la Chine. Tout le reste du Thibet est régi par un gouvernement théocratique ; c’est le clergé qui est le maître du pays.


II
Organisation du Lamaïsme. — Les deux grands lamas de Lhassa et de Taschi-lumbo.

Ainsi, quoique la vraie doctrine de Çakya-Mouni ait été, dans ses commencemens, la religion de l’égalité et ait eu pour but l’abolition des castes, le lamaïsme a, en somme, reconstitué les castes avec la domination des lamas. La population thibétaine se divise en effet en deux classes : les membres du clergé et les laïques, qui ont, chacun, des attributions nettement définies : l’une s’occupe des affaires du monde ; l’autre est entièrement consacrée à celles du ciel ; les uns travaillent, les autres prient. Jamais les gens du monde ne se mêlent des exercices religieux ; en revanche, le clergé prend soin de tout ce qui a rapport aux intérêts spirituels.

Le clergé est extrêmement nombreux et compterait 500 000 membres, au dire de certains voyageurs, chiffre qui peut paraître exorbitant pour une population totale d’environ deux millions d’âmes. Ce qui est certain, c’est qu’il existe au Thibet près de trois mille monastères dont quelques-uns comptent plusieurs milliers de moines, comme celui de Depung, qui en renferme dix mille, et ceux de Galdan, de Sera et de Taschi-lumbo qui en contiennent trois mille également. Bon nombre de ces monastères sont d’ailleurs habités par des femmes qui sont astreintes aux pratiques austères du cloître. Une puissante organisation hiérarchique unit entre eux les divers membres du clergé ; au bas de l’échelon, les élèves ou novices, les diacres, les simples abbés, les supérieurs des couvens, puis les incarnations qu’on appelle koubilghans en mongol et koutoutka en thibétain.

Les jeunes gens qu’on destine à être lamas sont reçus dans les monastères à l’âge de huit ou neuf ans. Presque toutes les familles thibétaines ont un membre, et c’est ordinairement l’aîné, qui est voué au sacerdoce. Dès qu’il est reçu au monastère, le candidat reçoit le titre de toupa. On lui donne