Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 28.djvu/689

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la nouvelle cour de Pékin ses privilèges et son nouveau titre. Puis, pour consolider son gouvernement, il transféra sa résidence du monastère de Depung au mont Potala, à proximité de Lhassa. Là, il se proclama l’incarnation d’Avalokitçavara, le disciple d’Amithaba, et amena de gré ou de force à reconnaître sa suprématie la plupart des couvens de Thibet et de Mongolie, lesquels, tout en conservant leur organisation hiérarchique propre, durent le reconnaître, lui et ses successeurs, comme chefs du lamaïsme thibétain.

Après Nagwan Lozan, et depuis l’institution du dalaï-lama, l’histoire du Thibet n’est plus que celle des relations de ce pays avec la Chine. Le gouvernement chinois fit payer en effet de l’indépendance du Thibet l’appui qu’il avait donné au chef de la secte de Galugpa. Il établit son protectorat sur le pays, se chargea d’en assurer la défense et d’en contrôler les relations extérieures. En 1706, les Kalmoucks kohols et dzoungaras s’étant mêlés des affaires du Thibet furent chassés par les armées de la Chine et une garnison chinoise fut installée, en 1720, à Lhassa. En vain des insurrections éclatèrent dans cette ville et le prince thibétain Nam-Djal (le victorieux) entreprit de briser la puissance du dalaï-lama et de chasser les Chinois, ses protecteurs. Les insurrections furent réprimées, le dalaï-lama fut vainqueur, et les Chinois firent assassiner Nam-Djal (1751). Le titre royal fut alors décerné au dalaï-lama et la soumission du Thibet devint si complète que les Chinois ne craignirent pas de démembrer le pays à leur profit ; ils lui enlevèrent toute la partie orientale située à l’orient du Yang-tsé-kiang et la rattachèrent à la province chinoise du Sé-Tchouen, dont elle est restée depuis une dépendance. Le reste du Thibet lui-même fut rattaché au département des colonies de Pékin, représenté en la circonstance par le vice-roi du Sé-Tchouen.

On est encore à se demander chez certaines nations de l’Europe quelle est la méthode d’administration à employer dans une colonie pour assurer et maintenir l’autorité et le prestige du conquérant, ne pas molester les indigènes et réduire les frais de domination au minimum. Les Chinois ont depuis des siècles résolu ce problème à leur manière par l’adoption du système du protectorat dont ils ont fait des applications variées depuis le simple envoi décennal d’un léger cadeau par le peuple protégé au conquérant, comme la chose a eu lieu pour la Birmanie,