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Né sur la frontière de Chine, Tsong-kapa, après avoir étudié à Kadampa, tâcha de ramener le bouddhisme à sa pureté première, de le dégager de la sorcellerie et des pratiques superstitieuses qui le déshonoraient, d’astreindre les moines à une vertu plus austère et au respect de leurs vœux de renoncement et de pauvreté. Mais l’œuvre de Tsong-kapa ne se borna pas seulement à la restauration de la discipline et à la réformation des mœurs du clergé ; il entreprit la révision de la doctrine bouddhiste, modifia le rituel et inventa la théorie de la réincarnation des disciples de Bouddha, qu’il fit dériver d’un des principes fondamentaux du bouddhisme. Çakya-Mouni avait dit que le monde visible est dans un perpétuel changement ; que la mort succède à la vie, la vie à la mort ; que l’homme, comme tout ce qui l’entoure, roule dans le cercle éternel de la transmigration ; qu’il passe successivement par toutes les formes de la vie, depuis les plus élémentaires jusqu’aux plus parfaites ; que la place qu’il occupe dans le vaste échelon des êtres vivans dépend du mérite des actions qu’il accomplit en ce monde ; et que, par exemple, l’homme vertueux doit renaître avec un corps divin. Tsong-kapa déduisit à son tour de cette idée que certains membres éminens du clergé bouddhiste peuvent réapparaître sur la terre, quelques jours après la mort, sous la forme d’un enfant. Ces enfans deviennent alors des incarnations du précédent personnage. Bon nombre de Thibétains acceptèrent l’enseignement de Tsong-kapa, et, dès lors, fut constituée la secte de Galugpa ou des « bonnets jaunes, » ainsi désignés par opposition aux partisans de l’ancienne doctrine, qui furent les Chammars ou « bonnets rouges. »

La première application de la doctrine de Tsong-kapa fut faite à sa mort, survenue en 1417, à son neveu et successeur, Gedendrup, qui fut le premier grand-lama de la secte de Galugpa et fut regardé comme l’incarnation de Tsong-kapa. Tsong-kapa lui-même fut considéré comme la haute incarnation d’Amithaba, propre compagnon de Bouddha et personnification de la charité. Sous Gedendrup, la lutte entre les Galugpas et les Chammars fut des plus vives. Les Galugpas ayant eu recours aux armes marchèrent contre les Chammars, leur enlevèrent la plupart des monastères qu’ils possédaient dans les diverses provinces du Thibet et les chassèrent de leur capitale, Taschi-lumbo, qu’ils détruisirent de fond en comble et sur les ruines de laquelle