Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 28.djvu/684

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans l’Inde et à Ceylan. Grâce aux héroïques et incomparables razzias opérées par ces audacieux pionniers de la science, nous pûmes obtenir enfin en Europe des notions précises et vraiment scientifiques sur la géographie du Thibet méridional, sur l’histoire ancienne du royaume de Lhassa et les débuts du bouddhisme au Thibet, et les Burnouf, les Oldenberg, les Rhys Davids purent commencer à reconstituer pour la pensée occidentale le système philosophique bouddhiste dont les racines plongent en pleine mythologie et dont les intuitions ont devancé les plus téméraires hypothèses du nihilisme métaphysique. D’ailleurs, ces pandits n’ont pas été les seuls à soulever un coin du voile qui cache pour l’Occident le mystère thibétain. Les Russes n’ont guère moins fait pour la géographie de la partie septentrionale du Thibet que les savans hindous pour celle de la partie méridionale, et les explorateurs français, anglais, hongrois et suédois ont ajouté au fonds constitué par les voyageurs russes et hindous. Mais, en dépit de tous ces efforts, de notables fractions du Thibet, surtout dans la partie orientale, nous restent inconnues.

Encore à l’heure actuelle, nous n’avons pas de sources d’information exacte et précise sur le chiffre de la population du Thibet. Les évaluations qui en ont été faites jusqu’ici varient dans des proportions singulières. Au milieu du XVIIIe siècle, un recensement officiel fait par « les ministres. royaux » aurait, d’après le missionnaire Orazio della Penna, énuméré trente-trois millions d’habitans au Thibet ; au courant du XIXe siècle, des voyageurs ont parlé tantôt de cinq, tantôt de onze millions d’âmes, tandis que, d’après des renseignemens plus récens, et très probablement plus véridiques, la population serait au plus de deux millions d’individus répartis sur les deux millions de kilomètres carrés que mesure la surface du plateau thibétain. Ce qu’il y a de certain, c’est que la plus grande partie du Thibet est à peu près inhabitée ou n’est qu’un territoire de parcours de tribus nomades. La population n’est un peu groupée que dans la partie Sud-Est, où se trouvent quelques villes : Lhassa, Chigatsé, Gyangtsé, qui sont, avec quelques grands monastères, les seuls centre de population un peu importans du pays.

Mais, si l’on est loin d’être fixé sur le nombre des habitans du pays, on sait du moins que la très grande masse d’entre eux présente une remarquable unité d’origine, de langue, de religion