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cylindres d’or alternant avec des olives et des barillets d’agate, de cornaline, ou de chrysoprase, les intailles figurant Isis avec le petit dieu Horus, le triangle de Tanit, ou la tête de bélier d’Osiris. Tout cela reluit doucement sur le fond neutre des capitonnages. On dirait des pâtes d’abricots, des éclats de turquoises ou de sulfates de cuivre, des prunes, des grains de raisins jaspés et veloutés de poussière… Parmi ces alignemens interminables de joyaux où la curiosité se disperse, une boucle d’oreille, d’un goût subtil et barbare, se distingue, à la façon d’une relique consacrée. Instinctivement, je l’attribue à quelque Carthaginoise illustre, issue d’une famille patricienne ou sacerdotale. Sans doute, Sophonisbe et Salammbô en avaient de toutes pareilles !… Mais comment décrire cette orfèvrerie compliquée ? C’est un croissant de lune qui supporte au milieu de son arête une tête de divinité, — probablement celle de Tanit, — et dont les deux cornes sont suspendues par des chaînettes à une petite rose d’or. Le croissant repose sur un médaillon ovoïde terminé par une pointe et agrémenté de volutes qui s’épanouissent sous le symbole lunaire… Pourquoi cette boucle d’oreille prend-elle une signification si précise parmi toutes celles qui l’entourent ? Je ne sais, mais aucune des vieilles choses qui sont là ne m’a donné ainsi le sentiment du passé tangible et vivant, — au point que j’aperçois, derrière ce bijou, un visage de femme !…

Je m’attarde enfin devant deux hauts reliefs de grandeur naturelle qui servirent de couvercles à des sarcophages, — les deux pièces capitales du musée des Pères Blancs !

Ces hauts reliefs représentent deux jeunes femmes. La première, qui incline légèrement la tête, écarte, de la main droite, le long voile dont elle est drapée tout entière ; de la gauche, elle soutient les plis de sa tunique relevée sur une robe à petits plis qui descend jusqu’à ses sandales. Elle est coiffée à la grecque. Sa chevelure roulée autour des tempes en manière de couronne se termine par deux tresses qui tombent sur ses seins. C’est le style, c’est l’attitude des statues funéraires attiques du IVe siècle. L’autre, également grecque de style et d’exécution, est cependant revêtue d’un costume égyptien, celui que portent