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rejoindre l’armée française, occupent la ville et l’État. Le 19 janvier 1814, Joachim jette le masque, proclame la réunion des États Romains à son royaume. Miollis, qui, dans ces circonstances, fit preuve d’une fidélité qu’égala son énergie, se jeta dans le château Saint-Ange où il se défendit du 19 janvier au 30 février.

Compris dans la capitulation qui, signée à Lucques par le duc d’Otrante, livrait l’Italie à Murat, Miollis sortit calme, fier, honoré à la tête de sa petite troupe et prit à travers l’Italie le chemin de la France. Norvins, Daru, Tournon étaient partis, au lendemain du coup d’Etat. Dans ce pays miné où tout semblait près de faire explosion, fonctionnaires et soldats français se retirèrent avec une dignité triste et un peu hautaine, consciens d’avoir, dans la mesure possible, concilié leurs devoirs envers leur souverain avec ceux que leur imposait le gouvernement de ces provinces. Si, bien des années après, Miollis et Tournon, rédigeant leurs Mémoires, se montraient animés vis-à-vis de leurs anciens administrés d’une bienveillance affectueuse, certains Romains, tardivement, les payaient de retour.

C’était justice. Ces hommes qui, par leur naissance, représentaient la vieille France et, par leur état, la nouvelle, avaient, par leur seule probité poussée jusqu’au scrupule, réhabilité aux yeux des Romains le nom français entaché d’indélicatesse par la honteuse débauche de 1798. Ils avaient ainsi rendu à leur pays un service immense. La modération courtoise dont, en dépit d’ordres rigoureux et dans les momens les plus critiques, ils ne s’étaient jamais départis, leur valait l’hommage que, de bonne foi, les Romains les plus lésés par leur politique, — le comte Patrizzi nous en fournit un exemple, — ne leur refusaient pas.

Le régime qu’ils avaient représenté avec tant de dignité et si fidèlement servi à Rome y laissait des traces profondes. Pie VII remontait sur son trône en avril 1814 ; mais une réaction rigoureuse ne fût point parvenue à effacer les vestiges de la domination française. Si rebelles qu’ils eussent été à son action, les Romains n’avaient pas en vain vu mettre quatre ans en pratique les nouveaux principes : ils avaient connu l’ordre dans l’administration et la rigueur dans la justice. Consalvi, devenu secrétaire d’Etat, faisait preuve de la haute et claire intelligence qui ne lui fit jamais défaut, en laissant au pays romain la plus grande partie de l’organisation que ces administrateurs sans