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des collèges sont contraints de descendre de leurs chaires, quelques libraires d’abandonner leurs magasins. Les chantres de la Sixtine, enrôlés en chapelle impériale, refusent de se parjurer, et, à leur tête, ce Zingarelli, le maître de Bellini, qui, tous les soirs, triomphe dans tous les théâtres de musique ; il a refusé de battre la mesure « persuadé de pécher s’il la bat. » Savary écrit : « Faire mettre cet imbécile fanatique dans un cachot du Château au pain et à l’eau. Ce ne sont pas des êtres de raison : il faut les traiter comme des animaux. » On voit à quelle note montait l’irritation de Paris.

Elle était justifiée par bien d’autres faits. Si les chantres refusaient de chanter, on pense que les conscrits refusaient de se battre. La désertion atteint des proportions insupportables : de 1811 à 1814, sur 1 382 conscrits du Trasimène, 909 sont insoumis ou déserteurs.

Le brigandage, partant, a pris une terrible extension. Ce sont maintenant des bandes imposantes : la bande dite des Calabrais a 60 hommes, celle de Diecinove 30, celle du terrible Cotto 40 ; « la plaie est effrayante, » l’Empereur veut qu’on organise la terreur dans la montagne : trois colonnes mobiles battront le maquis : on rendra responsables les communes avoisinantes ; les arrondissemens volsques sont en état de siège. On fusille partout.

A Rome, l’opposition est moins tragique, mais elle est exaspérante. La noblesse semblait ralliée, mais si peu sûre ! On avait exilé à Paris quelques opposans : ils s’y étaient « bien conduits, » disait Fouché. L’un d’eux avait été reçu par Napoléon : c’était lb marquis Massimo. L’épisode est connu : « Dites-moi, monsieur, lui avait dit l’Empereur jaloux de toutes les grandeurs, on dit que vous descendez de Fabius Maximus : cela n’est pas vrai ! — Sire, je ne saurais en effet le garantir : c’est un bruit qui ne court dans ma famille que depuis douze cents ans. » Séduits par leur bonne grâce, Napoléon avait renvoyé à Rome ces descendais des consuls : ils avaient été eux-mêmes conquis par l’Empereur, infiniment séduisant aux heures de coquetterie. Mais dans ce patriciat si soumis, une mesure avait suscité une vive opposition. Une décision impériale appela dans les lycées de France et à la Flèche les jeunes patriciens en dessous de quinze ans. Ce furent des colères, des lamentations sans (in. Le comte Patrizzi, dont on a bien voulu me confier les Mémoires, raconte comment, pour avoir refusé obstinément ses fils à Moloch, il fut enlevé de