Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 28.djvu/646

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en janvier 1811, on crut l’Empereur enfin décidé à déléguer ses pouvoirs, il recula encore ; en février, il maintenait à Rome le général de Miollis avec le titre bizarre, modeste et provisoire de lieutenant du gouverneur général, un gouverneur général mystérieux que l’Empereur, toujours mû par la jalousie, ne se décida jamais à envoyer à Rome. On donna tout simplement à Miollis un nouveau directeur général de police, le futur historien de Napoléon, ce chevalier de Montbreton de Norvins dont les lettres et le Mémorial permettent de pénétrer le caractère singulier, aristocrate au service de Savary, policier à talons rouges, gentilhomme de cabinet noir. Enfin Napoléon délégua à Rome à plusieurs reprises un missus dominicus de grande allure, le prince Corsini, sénateur au Luxembourg, Toscan apparenté au patriciat romain et qui vint en particulier installer au nom de Sa Majesté les cours de Rome au palais de la Chancellerie, où elles devaient tenir leurs audiences solennelles dans l’église désaffectée de San Lorenzo in Damaso.

Comme, par surcroît, le jeune prince « promis aux vœux des Romains » naquit en février 1811, il parut, — à Paris, — que le gouvernement franco-romain était enfin fondé[1]. On convoquait des collèges électoraux, — les premiers depuis César, — pour y élire des députés, personnages médiocres qui s’en allèrent siéger au Palais-Bourbon, en geignant sur les dépenses qu’allait entraîner le séjour de Paris et se faisant accorder d’énormes indemnités. On avait appelé trois Romains au Sénat ; un aigle impérial avait été érigé au-dessus du Quirinal en voie de restauration ; les syndics s’appelaient maires — il Maire di Tivoli, suivant le jargon franco-romain ; — on plantait du chasselas de Fontainebleau dans les jardins du Vatican. Comment le gouvernement français de Rome pourrait-il passer pour instable ?


Il l’était. Derrière la façade artificielle on apercevait sans peine une situation lamentable. Pie VII était parvenu, en dépit d’une étroite surveillance, à faire connaître à son clergé le mot d’ordre qui dictait la résistance passive. Le pontife devenait une

  1. Après avoir entendu, dans sa séance du 14 février 1810, l’exposé des motifs de la réunion de Rome à la France, le Sénat avait, sur un rapport de Lacépède, voté, le 17 février, par 82 voix contre 11 et trois bulletins blancs, le Senatus-Consulte consacrant la réunion définitive des ci-devant États Romains : dans la commission, où siégait cependant un petit neveu du Pape, le prince Corsini, un seul sénateur combattit la mesure, le comte de Merode-Westerloo.