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des provinces. Tout concourait d’ailleurs au mécontentement du peuple. La liquidation expéditive de la dette romaine avait constitué une véritable banqueroute des trois quarts et lésé mille intérêts. Les impôts s’étaient moins remplacés que superposés. L’Etat romain qui, d’après les intentions primitives de l’Empereur attentif à plaire, devait moins payer que le reste de l’Empire, payait double. Les petites causes de mécontentement s’ajoutaient aux grandes. Les Romains comprenaient mal la singulière manie qui possédait leurs maîtres de tout réglementer à la française. Certains agens, bons fonctionnaires du gouvernement centralisateur, éprouvaient quelque souci à voir les pendules de Rome marquer l’heure suivant une règle différente de celle de Paris. On voit, par le journal quotidien d’un Romain, conservé à la Vaticane, la stupeur qui saisit ce peuple, lorsqu’on entendit imposer une muselière aux chiens, un numéro aux voitures, un tarif aux cochers, un balai aux concierges et une heure aux horloges. On voulut supprimer le Lotto, les jeux de hasard étant interdits dans l’Empire : il fallait que Rome se résignât à n’avoir que les vices de Paris. Ces petites réglementations exaspéraient, plus encore que les grandes réformes.


La fête du 15 août 1810 s’en ressentit : elle fut morne. Le 13 août, Miollis avait dû courir à Terracine où les Anglais, entendant être de la fête, avaient jeté quelques bombes. L’insécurité était grande ; on signalait des complots étouffés sur cinq points du territoire ; on devait, en juin 1810, envoyer deux compagnies d’infanterie à Orvieto, « à cause des intrigues des prêtres. »

La Consulte, que Saliceti avait depuis longtemps) abandonnée, était rendue responsable d’une situation que, livrée à elle-même, elle eût peut-être évitée. Murat, qui, dès les premières heures, avait espéré réunir le gouvernement de Rome à celui de Naples, raillait l’inanité de ses grandes réformes et la maladresse de ses mesures. De tous les côtés, on réclamait un gouverneur général, une tête unique, une main ferme au gouvernement et une cour au Quirinal. Un instant, l’Empereur avait semblé vouloir donner satisfaction à ce double désir. Fouché avait été, en juin 1810, nommé gouverneur général. Il avait fait, à regret d’ailleurs, ses préparatifs de départ, préférant rester second à Paris que devenir premier à Rome ; puis il s’était résigné, plaisantant sur l’ironie