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après leur installation, connaissaient et entreprenaient tout avec une ardeur et un sang-froid, une méthode et un zèle également admirables. Camille de Tournon que ses Mémoires et st correspondance privée m’ont permis de suivre jour par jour, dans sa tâche laborieuse, fut au premier rang de ces fonctionnaires sans pareil, forgés par l’Empereur en son Conseil d’Etat. Aristocrate par la naissance, l’éducation et les goûts, très fin et très bon, possédé pour Rome d’un amour enthousiaste, il eût, dans le domaine de la politique, exercé une influence singulièrement bienfaisante, si la direction, bientôt imprimée de Paris à cette politique, ne l’eût, en contrariant ses projets concilians, tout entier rejeté dans la tâche administrative qui devait lui valoir l’estime et, quoique Français, la reconnaissance du peuple romain.

Rœderer, préfet du Trasimène, fils du célèbre conseiller de Napoléon et de Joseph, était plus dur et animé d’autres principes : détestant les prêtres, il se montra volontiers sévère, trop disposé à faire jouer à la gendarmerie un rôle prépondérant dans les relations, en Ombrie, de l’Eglise et de l’Etat ; par ailleurs administrateur plein de fermeté, de probité et de zèle, il se fit respecter, — sinon aimer, — en ce charmant pays de François d’Assise et du Pérugin, qui peut-être eût mérité un chef moins sévère.

Le procureur général Le Gonidec, ancien tribun, était un magistrat de carrière : il réalisait assez l’idéal que Portalis s’était fait de ceux dont il eût voulu composer ce corps judiciaire, chargé d’appliquer en des régions si diverses le Code Napoléon. Le passage de cet homme austère au parquet général de Rome devait être marqué aux yeux des Romains d’un véritable miracle la poursuite des crimes et la justice rendue

De l’avis de tous, y compris le cardinal Consalvi, ce fut, dès la première année, une particularité qui impressionna favorablement les Romains : la justice française. Un code clair et précis était substitué à l’inintelligible et mouvante jurisprudence de la Rote ; des légistes de carrière, la plupart intègres et respectables, constituant à tous les degrés des tribunaux régulièrement et hiérarchiquement organisés, ces magistrats, bretons ou piémontais, que les Romains pouvaient ne pas aimer, mais dont ils reconnaissaient communément les hautes qualités d’arbitres, succédaient à ce qui était la plus faible des administrations pontificales, le corps des prélats auditeurs. Sans entrer dans le détail des opérations judiciaires, il suffit de citer deux chiffres qui ont