Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 28.djvu/619

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

laisser prendre. Néanmoins, lors des débâcles périodiques qui amènent les tenanciers de ces maisons-là devant la justice, on est surpris de voir, sur la liste de leurs créanciers, des gens appartenant à toutes les classes de la société. Il est vrai que pour exciter, et aveugler en même temps, la cupidité de leurs victimes futures, ces adroits tireurs de bourse commencent par donner, sur les « parts d’essai, » des bénéfices inouïs aux débutans, qui s’empressent alors de décupler leur mise.

Les plus délicates de ces pseudo-banques sont des maisons de « contre-partie, » qui n’exécutent pas les ordres de leurs cliens et se trouvent ainsi jouer contre eux. Armés contre le code, ils ont divers moyens de faire annuler, le cas échéant, comme illégaux, les marchés qu’ils ont eux-mêmes sollicités ; ils tiennent bon tant qu’ils gagnent, plongent après un krack, et renaissent sous une incarnation nouvelle. Quelques journaux hardis font la guerre à ces espèces sans aucune chance de les bannir. Ils clouent journellement les noms, anciens et actuels de ces individus et leurs raisons sociales dans une colonne spéciale, sous cette rubrique : « Gare aux poches ! »

Ils impriment : « Prenez garde à un tel, fréquemment condamné par les tribunaux, » à un tel « plusieurs fois poursuivi, notoirement véreux ; » à un tel « qui sort de Mazas, et qui opère en telle rue, à tel numéro. »

Mais un tel et un tel n’ont garde de se plaindre ni de protester. Ce sont des garçons tranquilles, ennemis du scandale, qui continuent leur besogne sans bruit. Ils ne disparaîtront, si jamais ils disparaissent, que faute d’aliment à leur industrie, lorsqu’ils ne trouveront plus assez de proies pour les faire vivre ; comme les voleurs de grand chemin ont disparu avec les diligences.


Vte G. D’AVENEL,