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Les frais généraux, correspondant à une organisation pareille, absorbent bien au-delà du profit que l’on tire du capital et des réserves, quelque vingt millions peut-être par an. Le bénéfice de la Société viendra de l’écart entre ce que lui coûtent les dépôts et ce qu’ils lui rapportent : un pour cent de gain, sur un milliard et demi, se chiffrera par 15 millions de francs et, sur le placement de 500 millions de valeurs nouvelles, une simple commission de 2 p. 100 procurera 10 millions de francs.

Mais par là l’ancienne Bourse est profondément transformée et son importance réduite. En effet cette démocratisation extrême de l’argent s’associe à un mode nouveau d’émission ou d’ « introduction » : la vente directe, au détail, avec prix marqués en I chiffres connus comme dans les bazars, et l’écoulement en quelques jours de 800 millions de marchandises, — telles que les bons du Trésor Russe, en 1904, — sans affiches, sans publicité, sans intermédiaires ni spéculation. Ce système, il est vrai, n’est applicable qu’à des affaires très saines, à des emprunteurs connus et pour des taux avantageux. La clientèle apprend à se défendre, dans l’ancien comme dans le nouveau continent : au dernier « boum » des États-Unis, les lanceurs sont restés en tête à tête avec leurs paquets de titres, en face d’un public qui se refusait.


IV

L’avènement et l’éducation de ces couches successives de petits porteurs, entre les mains de qui les valeurs mobilières se sont peu à peu diffusées, a singulièrement rétréci le domaine de la « spéculation, » en langue vulgaire : du jeu de Bourse. Si l’on s’en tient aux apparences, le « comptant, » ventes et achats effectués contre argent, représente seulement un mouvement de 35 millions de francs par jour, sur lesquels un septième environ, — 5 500 000 francs, — proviennent des ordres transmis par les quatre principaux établissemens de crédit, pour le compte de leur clientèle.

Le chiffre des ventes et achats à terme, qui varie d’une année à l’autre du simple au double, ou même au triple, est toujours beaucoup plus considérable et, en moyenne, dix-huit ou dix-neuf fois plus élevé que celui du comptant. Mais ce sont des marchés « au crayon, » de simples opérations d’écritures qui, le plus