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chaines, ni même à celles qui viendront immédiatement après. Plusieurs générations parlementaires échapperont à l’impopularité finale, et n’est-ce pas tout ce qu’il faut aux députés actuels ? Après eux, le déluge ! Ils auront assuré leur réélection : leurs successeurs s’en tireront ensuite comme ils pourront. Leur chef-d’œuvre, en attendant, sera d’avoir satisfait tout le monde, les comités radicaux et socialistes, qui voulaient la séparation quand même et à tout prix, et le pays, qui ne la veut pas, mais qui ne s’en rendra bien compte que lorsqu’il la verra fonctionner.

La Chambre a une autre raison de vouloir l’application immédiate de la loi. Il y a eu, à la fin du débat, une scène curieuse, qui vaut la peine d’être mentionnée parce qu’elle a été marquée par le formidable réveil des appétits électoraux. Le débat traînait, il faut bien le dire. La Chambre était languissante. Après les batailles du début où avaient été tranchées les questions de principe, l’attention avait peu à peu diminué : elle s’était portée, ce qui était d’ailleurs assez naturel, du côté des questions extérieures où des dangers inopinés avaient subitement apparu. Les étrangers qui venaient assister aux après-midi du Palais-Bourbon, et qui avaient vu à l’ordre du jour la séparation de l’Église et de l’État, étaient surpris de trouver la salle à peu près vide. On aurait dit que la Chambre discutait une loi sans intérêt. Elle ressemblait au berger de la fable qui, étendu sur l’herbette,

  Dormait alors profondément.
Son chien dormait aussi, comme aussi sa musette :
La plupart des brebis dormaient pareillement.

Soudain, un tumulte assourdissant succède à ce repos idyllique. Les bancs se remplissent ; tout le monde se retrouve à son poste ; on s’agite, on crie. Qu’était-il donc arrivé ? En était-on venu à un de ces articles qui touchent aux grands principes de la question, ou aux intérêts généraux du pays ? Point du tout. L’article dont c’était le tour visait tout simplement l’emploi à faire du budget des Cultes qu’on supprimait, et cette nouvelle dévolution des biens a fait encore plus de bruit que l’ancienne. Quoi de plus naturel ? Dans l’ancienne, les biens de l’Église restaient à l’Église, c’est-à-dire aux associations cultuelles ; dans la nouvelle, ils faisaient retour aux électeurs. Mais comment ? C’est là-dessus qu’on a discuté ferme, et longtemps ! Il y avait un système d’une simplicité extrême que personne n’a soutenu, et nous nous attendions naïvement à ce que le gouvernement le fît. Il consistait à dire qu’une économie était une économie, et qu’elle