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sion qu’au dernier moment, le projet pourrait être repoussé par une coalition des adversaires de la séparation et de ceux qui auraient voulu la faire autrement. Il y a, en effet, à l’extrême gauche, des doctrinaires farouches qui trouvent le système adopté trop libéral, et qui, après en avoir combattu toutes les dispositions essentielles, semblaient devoir en repousser l’ensemble. Mais nous n’avons jamais cru qu’ils pousseraient la logique jusque-là. Le principe de la séparation leur paraît si bon en lui-même qu’ils en acceptent l’application telle quelle, au moins à titre provisoire. C’est le langage qui a été tenu à la tribune par plusieurs d’entre eux, notamment par M. Bepmale, au moment où, la discussion étant close et le scrutin sur le point de s’ouvrir, chaque député avait le droit d’expliquer son vote. M. Bepmale a expliqué le sien et celui de ses amis avec une audacieuse franchise. Il a fait de la loi une satire amère ; il l’a déclarée beaucoup trop favorable à l’Église, et, par conséquent, dangereuse pour l’État. Mais quoi ! n’est-elle pas perfectible, et le législateur ne conserve-t-il pas le droit et le moyen de retoucher son œuvre ? On s’enchaîne quand on fait un concordat ; on reste libre quand on fait une loi ordinaire. Le discours de M. Bepmale a produit quelque scandale, parce qu’il découvrait, en dehors de toute précaution oratoire, la pensée d’un grand nombre de radicaux et de socialistes. La droite et une partie du centre se sont amusés à en demander l’affichage afin d’éclairer le pays sur l’avenir qu’on lui prépare. Naturellement l’affichage n’a pas été voté : il ne pouvait pas l’être et ceux qui l’avaient proposé n’avaient d’autre but que d’appeler dés aujourd’hui l’attention sur les projets ultérieurs de nos jacobins. Quant à ceux-ci, ils étaient parfaitement décidés à voter le projet en dépit des imperfections qu’ils y trouvaient, et des discours comme celui de M. Bepmale n’avaient d’autre objet que de leur fournir une excuse. Prenons d’abord cela, disaient-ils : nous demanderons le reste ensuite.

Le discours final du rapporteur, M. Aristide Briand, a eu plus d’importance. M. Briand est satisfait de la loi qu’il vient de faire, sentiment bien naturel de la part d’un père envers un enfant que d’autres peuvent trouver mal venu, mais pour lequel il a, lui, une infinie complaisance. Nous serons juste envers M. Briand. La loi qu’il a rapportée et fait voter par la Chambre est sensiblement moins mauvaise que celle de M. Combes. Cette dernière était une œuvre de sectaire : celle de M. Briand, amendée par M. Ribot, est une œuvre de politique. Elle témoigne sur quelques points d’un honorable souci de la Uberté. L’article 4, qui a été vivement discuté à la Chambre et qui le sera