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mon retour en France avait eu lieu à la suite d’un échange régulier, et que j’avais le droit, sans risquer la corde, de porter les armes. Je fus donc renvoyé à Gênes, et cette fois embarqué comme second sur la frégate la Dryade, qui venait d’être lancée. Le capitaine de frégate Baudin commandait la Dryade ; il avait à peu près mon âge ; mais, ayant eu le bonheur de ne pas tomber aux mains des Anglais, il avait fourni déjà une brillante carrière, et s’était illustré par plusieurs combats dans l’Inde. Ses exploits sur la Sémillante et sur le brick le Renard avaient consacré sa réputation, et je fus heureux de servir sous ses ordres. Son mérite lui a valu depuis le bâton d’amiral de France, et l’amitié commencée sur la Dryade ne s’est jamais refroidie, malgré la différence de nos destinées.

Nous avions un équipage de Génois intelligens et bons marins, et nous nous occupâmes avec ardeur de mettre la frégate en état de paraître devant l’ennemi. Par malheur, les occasions de combattre étaient rares, et nous nous bornions le plus souvent à éclairer l’escadre en nous tenant en vue des vaisseaux anglais. Un jour de novembre 1813, nous étions en réparations dans la petite rade, quand une saute de vent amena un engagement entre quelques-uns de nos vaisseaux sortis de Toulon et les plus avancés de l’escadre anglaise. Le commandant étant absent, je fis armer la chaloupe de la frégate, et gagnai la grande rade pour me jeter dans la mêlée, et aider les vaisseaux maltraités à prendre des remorques. Je passai à poupe du vaisseau de l’amiral Émeriau, qui m’envoya de sa galerie des encouragemens, et m’ordonna d’aller armer les batteries du cap Sepet, d’où je fis canonner les Anglais jusqu’à la fin de l’engagement. Pendant ce temps, j’étais attendu au village de la Seyne, où je devais servir de parrain à l’enfant nouveau-né d’un de mes amis, M. Quiot, lieutenant de vaisseau. J’arrivai fort en retarda cette cérémonie, mais je pus cependant m’acquitter de ma fonction, ayant eu le plaisir assez rare d’un combat et d’un baptême dans la même journée.

Le 13 février 1814, la Dryade appareilla avec la division du contre-amiral Cosmao, pour aller au-devant du vaisseau le Scipion, sorti récemment des chantiers de Gênes. Le lendemain, au point du jour nous donnions dans la passe Est des îles d’Hyères, le cap sur Toulon, quand nous aperçûmes au large l’escadre anglaise sous toutes voiles, se dirigeant vers la terre pour nous