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de profession, amenant une abondance exagérée de la main-d’œuvre, la baisse des salaires : ceux-ci se sont bien relevés aujourd’hui. Dans plusieurs départemens du Midi, Hérault, Aude, Pyrénées-Orientales, Bouches-du-Rhône, des grèves de journaliers, d’ouvriers viticoles, ont fait leur apparition, les syndicats de Travailleurs de la terre fondés, organisés par les Bourses du travail de Montpellier, Béziers, Carcassonne, Narbonne, Arles, etc., n’ont pas seulement mis en avant des revendications économiques : là, comme dans le centre de la France, comme en Italie, le mouvement ouvrier semble avoir pour moyen la lutte de classe, pour programme l’idée collectiviste. Voici une lettre de M. Turrel, ancien ministre des Travaux publics, qui explique fort clairement la genèse d’une grève rurale au début de l’année 1904 : à quelques nuances près, les choses se passent ailleurs de la même sorte.

... « Nous avons ici (à Ornaisons, village du Narbonnais) un maire et une municipalité socialistes. Le village compte 1 500 habitans ; il y a environ 400 ouvriers, 600 propriétaires travaillant leurs vins et allant aussi en journée. Le reste se compose de propriétaires et d’ouvriers plâtriers. Il y a quelques jours, un conseiller municipal correspondant de la Dépêche, organisa un syndicat des travailleurs. Plusieurs réunions eurent lieu, et, un beau jour, le maire fit adresser aux principaux propriétaires une convocation les invitant à se rendre à la mairie pour leur communiquer les revendications des ouvriers agricoles. Notez bien qu’il n’y avait aucun conflit... Tous les grands propriétaires étaient d’accord avec leurs ouvriers et les payaient au taux qu’ils demandaient. On apprit alors que le maire, inquiet de sa popularité chancelante, s’était offert au syndicat pour faire aboutir ses revendications.

« Les principaux propriétaires, réunis à la mairie à deux reprises, acceptèrent la plus grande partie de ce qu’on leur demandait. Les syndiqués cependant comptaient parmi eux beaucoup d’enfans, de mineurs et de vieux ouvriers. Malgré cette irrégularité, les propriétaires acceptèrent le prix de 2 fr. 50 par jour et la réduction de la journée à sept heures et demie. Les ouvriers réclamaient sept heures. On fit remarquer, avec raison, qu’en fait, en hiver, on ne travaille que six heures, à cause de la brièveté des jours, et qu’en mettant ce maximum à sept heures et demie, la moyenne de l’année se réduisait à sept heures. Hier soir le