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« Aujourd’hui la coquetterie et la mode vident les bourses... » On oublie que l’économie est une seconde récolte. Un de mes amis reçut la visite d’un cultivateur aisé qui lui amenait sa fille, belle et plantureuse, qu’il lui présenta en ces termes : « Voici notre petite ; vous voyez qu’on n’en fait pas treize à la douzaine comme elle, et avec ça pure comme l’enfant qui vient de naître ; mais elle n’aime pas la terre, et elle voudrait être cocotte pour avoir des robes pareilles à celles de la dame du château. » Cependant les habitudes d’épargne surnagent et font obstacle au triomphe complet de la mode : « Nos jeunes filles n’ont qu’une préoccupation, la toilette et la danse, dit un habitant du Lot-et-Garonne. Devenues jeunes mères, elles n’ont qu’un orgueil, leur enfant... »

Faut-il regretter le temps où les villageois allaient pieds nus, portant à la main leurs souliers dont ils ne se chaussaient qu’en arrivant à l’église, et qu’ils ôtaient après la cérémonie, en dehors du temple ; le temps où l’on façonnait dans le ménage les vêtemens de la famille avec une laine filée et tissée pendant les longues soirées d’hiver, linières et chenevières fournissant le fil nécessaire à la confection de la toile des draps et des chemises ; toile inusable, paraît-il, mais grossière et peu agréable à l’usage ? Ici comme ailleurs, tout git dans la. mesure, et malheureusement c’est là une vertu qui ne jouit pas souvent des faveurs de la mode, que l’on devrait prêcher d’exemple et non de parole : il y avait excès d’économie autrefois, aujourd’hui il y a excès contraire. Ne peut-on espérer que le bon sens rural, qui a déjà réalisé tant de belles cures, guérira aussi cette maladie, qu’un jour viendra où le budget du superflu n’empiétera plus sur le budget du nécessaire ? Comment ne pas approuver les conclusions que formule M. Méline dans son beau livre : le Retour à la terre ?


III. — LE POUR ET LE CONTRE. POINTS NOIRS

Un autre nœud gordien agricole, aussi difficile à délier qu’à trancher, c’est l’instruction ; car elle apporte de grands avantages, et aussi des dangers. Nos cultivateurs sont plus instruits, ils lisent les journaux agricoles, suivent les cours d’adultes, les conférences populaires ; la crainte des sorciers et des sortilèges s’efface petit à petit, sauf en Vendée, en Savoie où rebouteurs,