Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 28.djvu/384

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

matin la fromagée, sorte de fromage blanc ; du vin le matin et à goûter ; aux autres repas, la boisson de genièvre ou de pommes M. X... est assuré pour l’incendie, les accidens du personnel et les chevaux, pas pour les vaches ; du reste il n’en a plus que dix, n’en garde pas davantage à cause des accidens ; les veaux de lait à treize semaines pèsent 428 livres et se vendent plus de deux cents francs ; tout le lait, une grande partie de l’avoine se consomment à la ferme. Cependant la fermière vend trente livres de beurre par semaine, se fait mille à douze cents francs avec les œufs et les poulets. Le fermier vend une partie de son orge, presque tout l’escourgeon, tire son principal bénéfice des moutons, de ses semences de trèfle. Dans ces trois dernières années, il a fait en moyenne 8 000 francs avec les laines : il a 280 mères, l’agneau se vend à six mois, on garde les jeunes et les femelles. Le trèfle hâtif se vend 40 francs les 100 kilos, le trèfle blanc tardif 69 francs, le trèfle jaune jusqu’à 130 francs ; en 1903 on a vendu plus de quatorze mille francs de semences, et j’imagine que M. X... a dû avoir pareille somme comme bénéfice, tous frais payés : mais il paie un loyer peu élevé, mais il fait appel à la science, mais il a tiré de sa terre le maximum, mais son esprit inventif a découvert le meilleur revenu, et sa prudence, sa persévérance ont mûri, fait s’épanouir l’idée.

Ces grands fermiers honorent la France rurale ; leur bon sens forme un mur de granit contre les utopies socialistes.

Le métayage diffère beaucoup du fermage ; il constitue une société non moins qu’un contrat de location, implique le partage des produits et des risques ; les deux parties ont intérêt à une bonne exploitation, souffrent également d’une mauvaise récolte. La loi de l’offre et de la demande détermine la redevance dans le fermage ; c’est l’influence de la coutume, et non celle de la concurrence, qui fixe la redevance en nature du métayer. La durée du métayage, d’ordinaire convenue pour un an, se trouve en fait prorogée par tacite reconduction, jusqu’à maintenir la même famille dans une métairie pendant quatre-vingts et cent ans Ce mode de tenure a de tout temps rencontré des partisans enthousiastes, des détracteurs résolus. Là, dit un mémoire, là fut le salut dans le passé, là sera peut-être la sauvegarde contre l’avenir ; et puis il offre la certitude du paiement, avantage capital par le temps qui court. L’instituteur de Prévéranges, tout en rendant hommage à la moralité et à la stabilité des métayers,