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du royaume d’Italie et de la Papauté, pour laquelle union il suffisait, mais il s’agissait de persuader au Souverain Pontife de se dépouiller de ses États, afin d’assurer son indépendance et d’offrir de son plein gré ce qu’on hésitait à lui prendre.

Tâche ingrate. Pantaleoni, pendant plusieurs mois, s’y emploie de son mieux. Nous ne le suivrons pas dans le dédale de ses démarches, de ses espoirs et de ses tribulations, encore que le récit en doive être curieux, amusant même par endroits. Jusqu’au milieu de décembre, les choses traînèrent. Pantaleoni sondait le terrain : « Vous voyez, disait-il à certains cardinaux, que le temporel est inévitablement perdu par toutes les provinces. Comment voulez-vous que Rome toute seule vous reste, ou comment Rome pourrait-elle vivre toute seule en vos mains : et, quand cela serait, qu’est-ce que vous y gagneriez ? Pourquoi, dès lors, ne vendriez-vous pas contre d’immenses avantages pour l’Eglise ce qui, en tout cas et de toute manière, est perdu ? Et pouvez-vous en conscience ne pas le faire, lorsqu’il y va d’immenses avantages pour l’Eglise ? » Le bon docteur jetait ainsi ses filets parmi les pesci grossi, mais peu s’y laissèrent prendre : tout au plus, quelques prélats opinaient-ils du bonnet, avec une apparence d’acquiescement qui les dispensait de répondre. Un de ces prélats était Mgr Franchi, plus tard cardinal secrétaire d’État de Léon XIII, et alors secrétaire des affaires ecclésiastiques extraordinaires. Pantaleoni l’avait d’abord trouvé fermé et incrédule ; mais, sur l’affirmation du docteur que le cardinal Santucci était au courant et approuvait : « Le cardinal Santucci, s’était-il écrié ; dites-lui qu’il m’en parle et nous verrons, car vous ne pouvez avoir personne qui jouisse de plus de crédit et vous assure mieux le succès ! » C’était indiquer le chemin. Aussitôt Pantaleoni se mit en route. Il rédigea, pour le soumettre au cardinal, un long mémorandum dont nous avons le texte, et qui, vu son destinataire, peut étonner par une hardiesse dont on serait tenté de dire qu’elle eut quelque chose de naïf et presque d’inconscient. La seule précaution qu’il prit fut de ne pas le signer, parce qu’il savait que le cardinal Santucci « avait aux flancs un espion du cardinal Antonelli ; » il le savait, mais il ne pouvait point en avertir l’Eminentissime Santucci, qui regarda comme une marque de méfiance personnelle ce qui n’était qu’une réserve imposée par la composition mêlée de son entourage. Comme c’est la pensée de Cavour, et non l’action de Pantaleoni, que nous