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de Cavour, lui mandait « d’avoir à se préparer à assister le ministre au congrès pour toutes les questions qui concernaient l’Etat romain. » Il s’était excusé, mais le duc avait refusé de l’entendre : pour les choses de Rome, Cavour « ne pouvait rien faire sans lui. » Le congrès n’eut pas lieu ; « mais cette preuve d’estime de Cavour me lia à lui intimement, et j’entrai, à cette occasion, avec le ministre en une correspondance suivie, vivant d’autre part en amitié avec tous les accrédités du Piémont à Rome[1]. » Deux autres projets de congrès, en 18S9, avant la guerre et après la paix de Villafranca, avortèrent comme le premier, et Pantaleoni en fut pour le mémoire qu’il avait composé et où il se réservait de montrer « la véritable nature et les étranges anomalies du gouvernement papal[2] ; » mais il était quand même et désormais sacré « spécialiste de la question romaine, » et, ayant manqué trois fois d’être le conseiller de Cavour en des congrès diplomatiques, tout désigné pour être son agent quand on jugerait, dans la question romaine, l’heure venue de passer à l’action.

Diomede Panteleoni fut très heureux de la lettre du comte de Cavour. Il l’avait bien un peu sollicitée, au moins par son zèle à écrire lui-même et à renseigner le ministre : « Je profite du courrier de la légation anglaise, lui dit Cavour, pour vous remercier des informations que vous avez l’amabilité de me trans- mettre sur les conditions où se trouve la Cour romaine, et pour vous prier de continuer à me prêter votre efficace concours. » Cette mission, qui n’en est pas une, ou qui l’est sans l’être, n’était, en tout cas, à ce moment, octobre 1860, qu’une mission d’informateur. Le ton de la correspondance n’est pas officiel ; il n’est pas non plus amical, ainsi que le prouvent les termes employés par Cavour : « Très estimé Monsieur le docteur, » « Très distingué Monsieur. » On n’y aperçoit pas l’ « intimité » dont parlait Pantaleoni, et peut-être existe-t-elle, mais alors elle se dissimule sous des formes plus strictement polies et froides. Même officieuse, afin d’être mieux cachée, cette correspondance passait par un intermédiaire, le baron Teccio, consul général de Sardaigne

  1. Cf. Lettre de Cavour à Pantaleoni, du 18 avril 1859. Il semble, d’après cette lettre, que ce soit D’Azeglio qui ait suggéré à Cavour l’idée de se faire accompagner au congrès par le docteur Pantaleoni. — L’Idea italiana... Documenti, I, p. 155.
  2. Proposizioni preparate per un Congresso europeo sulla questione romana ed al quale Cavour voleva che il Pantaleoni accedesse. — Ibid., Documenti, II, p. 156.