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des types empruntés à notre industrie ou même plus conformes que les nôtres au bon sens et à la raison ?

D’ailleurs, la France, la mère patrie, en somme, de l’automobilisme, est peut-être, de tous les pays du monde, celui où se rencontrent le plus d’élémens conjurés contre lui.

Ce n’est pas assez, en effet, de l’influence néfaste de la routine, ce n’est pas assez des caprices de la mode : ils sévissent ailleurs que chez nous. Mais le fisc français, se mettant de la partie, sous prétexte, — et on ne lui saurait donner tout à fait tort, — que l’automobilisme n’est qu’une industrie de luxe, l’accable d’impôts. Ainsi un automobile de 14 chevaux (ce qui est, par le temps qui court, une puissance très moyenne) paie 160 francs d’impôt dans les petites villes, 320 francs à Paris. De plus, comme ces sortes de véhicules changent souvent de mains, comme toute année commencée est due en entier, comme chacun des acheteurs successifs doit payer tous les mois de l’année restant à courir à la date de son achat, certaines voitures arrivent, par une série de mutations, à payer une somme égale à 4 ou 5 fois le montant de la contribution initiale, — remarquons, d’ailleurs, que ces mutations sont encore, de nos jours, le seul moyen pour l’automobile d’arriver à la portée du grand public. — Nous nous reprocherions de ne pas ajouter un dernier trait à ce tableau : grâce au fisc, grâce au syndicat des raffineurs de pétrole, l’essence vaut, à Paris, 52 centimes le litre, tandis qu’à Bruxelles elle revient à 13 centimes.

On ne s’étonnera donc pas, maintenant, que M. E. Archdeacon, et bien d’autres avec lui, prédisent la faillite, à bref délai, de l’industrie automobiliste française, et il faut avouer que certains symptômes de mauvais augure semblent devoir leur donner raison. N’en est-ce pas un, et tout à fait caractéristique, que le passage du chiffre des importations en automobiles et motocyles, de 1 278 000 francs en 1903 à 3 886 000 francs en 1904 ?

Faut-il cependant désespérer ? Que nos constructeurs se décident à écarter la routine, à dédaigner la mode et nous pensons, avec M. E. Archdeacon, que, sous peu, ils réussiront, malgré tout, à imposer au public la voiture définitive, la voiture pratique, à bon marché, la voiture que, seule, ont cherché à réaliser tous ceux qui se sont acharnés à la solution du dur problème de l’automobilisme sur routes. Seulement, il faut que la mode en fasse son deuil : cette voiture (et c’est ainsi que les Allemands,