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ligne des voitures qui ne sont pas toujours comparables, surtout au point de vue de leurs moteurs, et qui accusent des différences de puissance rendant la lutte absolument inégale. De plus, elles entraînent à la construction d’unités follement coûteuses, peu faites pour une utilisation journalière et même, parfois, absolument exclusives de tout emploi sérieux. Enfin, l’habileté du chauffeur mise à part, il n’est pas niable que, dans ce genre de luttes, le hasard, et quelquefois la fraude, jouent un rôle prépondérant. Les esprits réfléchis leur préféreront toujours les concours proprement dits, dans lesquels se font un ensemble d’expériences systématiquement conduites : évidemment, c’est eux qu’on doit chercher à développer, en rendant les essais de plus en plus méthodiques, de plus en plus pénétrans. D’ailleurs, après tout, ce n’est pas pour distraire les oisifs et amuser les foules que le problème de l’automobilisme a été abordé et résolu : il ne s’est jamais agi que de soustraire la voiture, le cas échéant, aux caprices et aux défaillances des moteurs animés.

Il n’en est pas moins vrai que c’est aux courses de vitesse, qui ont étonné et quelquefois ému le monde, que l’automobilisme doit son développement ; que c’est par elles, comme l’a fort bien dit G. Prade, qu’il est entré dans la voie triomphale qu’il parcourt aujourd’hui ; par elles qu’il s’est répandu et imposé aux masses ; par elles, qu’il a acquis, en vingt ans, une place prépondérante. Par voie de sélection, elles ont, en définitive, doté le moteur et la voiture de ces qualités d’endurance et de rapidité qui ont permis récemment à un véhicule à pétrole de parcourir, sans la moindre panne et, pour ainsi dire, d’une seule traite, plus de 8 000 kilomètres. Et puis, enfin, de même que l’essor d’un aérostat, encore aujourd’hui, offre l’attrait mystérieux d’un symbole et d’une protestation contre la tyrannie de la pesanteur qui semblait devoir river à jamais l’humanité à la surface de notre globe, de même la vue d’un véhicule supprimant le temps et dévorant l’espace avec une vitesse de 168 kilomètres à l’heure (record du kilomètre) excitera toujours, croyons-le bien, l’enthousiasme de la foule et, dans cette foule, du plus savant comme du plus ignorant.

Cet hommage rendu aux courses de vitesse, reconnaissons qu’on a bien fait de les réglementer, de façon à ne pas trop fatiguer et les constructeurs et le public, en les remplaçant par des concours tels que la Coupe Gordon-Bennett. Observons aussi, en