Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 28.djvu/309

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Taschi-lumbo, sa résidence habituelle, dépouillé de toutes les richesses que la piété des siècles passés y avait entassées. Une armée chinoise de 70 000 hommes, rassemblée en hâte en Tartarie, vola au secours des Thibétains et défit dans deux batailles rangées les Népalais. Les deux partis en présence se tournèrent alors du côté de Calcutta, les Népalais demandant des secours pour résister aux Thibétains, ceux-ci réclamant l’aide des Anglais pour venir à bout des Népalais. Sir John Shore, oubliant les liens d’amitié qui unissaient l’Inde et le Thibet, et cherchant avant tout à faire pénétrer l’influence anglaise au Népal, refusa tout appui aux Thibétains et se déclara en faveur des Népalais, auxquels il envoya comme ambassadeur le capitaine anglais Kircpatrick. Malavisée fut cette politique. Le général chinois, poursuivant ses avantages, envahit le Népal, réduisit les ennemis à la dernière extrémité et les obligea à accepter les conditions de paix qu’il voulut leur imposer. C’est ainsi que les Népalais durent restituer tout ce qu’ils avaient enlevé dans le monastère de Taschi-lumbo, payer un tribut annuel à la Chine, et laisser des garnisons chinoises s’installer dans leur pays. Le général chinois occupa en outre le pays du Sikkim, limitrophe du Népal et du Boutan, et enserra le Boutan même dans un cordon de troupes qu’il installa sur ses frontières. Dès lors tout commerce régulier entre l’Inde et le Thibet cessa : le marché de Rungpore fut délaissé. Les Anglais n’eurent même plus le droit de pénétrer au Thibet et au Sikkim


II
Établissement de l’influence anglaise dans les pays dépendant du Grand Thibet et dans les provinces du Petit Thibet, du Moyen Thibet et du Sikkim.

Ainsi échoua l’œuvre commencée et développée sous de si heureux auspices par Warren Hastings. En présence de cet avortement dû uniquement à la politique de sir John Shore qui sacrifia l’amitié et l’alliance thibétaines au désir d’implanter l’influence britannique au Népal, il est permis de se demander quels furent les mobiles qui purent déterminer le gouverneur général qui présidait alors aux destinées de l’Inde à abandonner la ligne de conduite de son prédécesseur, et à renoncer de son plein gré à des bénéfices déjà acquis et à un avenir plein de promesses. La Compagnie des Indes n’avait guère à cette époque affermi sa