Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 28.djvu/308

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’Inde. L’empereur de la Chine ayant manifesté le désir de voir le Taschi-lama se rendre à Pékin, afin, disait-il, de révérer en lui le chef spirituel de la religion bouddhique, à laquelle il se faisait gloire d’appartenir, ce dernier ne voulut pas partir sans s’être au préalable entendu avec le gouverneur général des Indes au sujet des raisons à exposer à l’empereur pour l’établissement de relations commerciales entre le Thibet et l’Hindoustan, et il invita M. Bogie à se rendre par mer à Canton, en lui promettant de lui faire obtenir de la part de l’empereur un passeport qui pût lui permettre de le rejoindre dans la capitale. Le passeport fut en effet accordé et l’empereur permit qu’on établît des relations entre le Thibet et le Bengale.

Le Taschi-lama avait été reçu à Pékin avec des honneurs extraordinaires par l’empereur ; un mois après il était mort. Presque en même temps mourait M. Bogie. L’opinion générale au Thibet et dans l’Inde, fut que l’empereur de la Chine mécontent de voir que le Thibet avait été ouvert aux Anglais par le Taschi-lama avait attiré ce dernier à Pékin sous le fallacieux prétexte de lui rendre des hommages religieux, l’avait fait empoisonner, et s’était en même temps débarrassé de M. Bogie. Quoi qu’il en soit, ce contretemps n’arrêta point l’action anglaise au Thibet, et un successeur ayant été nommé au Taschi-lama, M. Turner fut envoyé en 1783 par Warren Hastings en ambassade auprès du nouveau prince et rapporta de cette mission les assurances les plus formelles et les plus favorables à l’extension du commerce entre les deux pays.

Tout allait pour le mieux : un marché d’échanges des produits des deux pays avait été ouvert à Rungpore, près de la frontière thibétaine, et un courant d’affaires se dessinait entre l’Inde et le Thibet. Déjà la Compagnie des Indes songeait à établir sur le plateau thibétain des factoreries semblables à celles qu’elle avait établies dans les principales villes de l’Inde, et même à ouvrir des relations commerciales avec la Chine occidentale, quand un changement d’orientation dans la politique du gouvernement de Calcutta vint anéantir le résultat de si laborieux efforts.

Warren Hastings n’était plus gouverneur général : lord Cornwallis, puis sir John Shore lui avaient succédé. Sous le gouvernement de ce dernier, en 1792, une attaque des gens du Népal eut lieu contre le Thibet. Les États du Taschi-lama furent envahis, ce dernier dut se réfugier à Lhassa, et le monastère de