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amis, conformément au libre jeu de leurs institutions, nous intéressent toujours, mais affectent rarement nos intérêts : il est rare, en effet, que la politique étrangère en soit la cause. En Espagne en particulier, nous rencontrons des sympathies également sincères dans le parti libéral et dans le parti conservateur, et nous éprouvons de notre côté le même sentiment pour l’un et pour l’autre. Les intérêts généraux de l’Espagne, ses intérêts durables, sont, comme les nôtres, indépendans de ceux des partis qui se succèdent au pouvoir : aussi tous les comprennent-ils à peu près de la même manière. Nous sommes convaincu que tel est le cas aujourd’hui, et nous saluons en toute cordialité le ministère libéral de M. Montero Rios au moment où il prend le pouvoir ; mais ce serait manquer à un devoir de convenance et de reconnaissance de ne pas remercier le ministère conservateur de M. Villaverde au moment où il le quitte. C’est lui qui a conduit le roi d’Espagne à Paris, et qui par cette initiative a encore resserré les liens des deux pays. L’ancien ministre des Affaires étrangères, M. de Villa-Urrutia, a accompagné le Roi parmi nous, et, bien qu’on sût dès ce moment que sa vie ministérielle, aussi bien que celle de ses collègues, ne devait plus être longue, nous lui avons su le plus grand gré des dispositions amicales à notre égard dont sa démarche nous apportait le précieux témoignage. Si M. Villaverde a retardé la convocation des Cortès jusqu’à ces derniers jours, ce n’est pas pour prolonger les siens : il voulait terminer la tâche qu’il s’était donnée de présenter le jeune roi à l’Europe, en commençant par la France et par l’Angleterre. Le succès du Roi a été très grand à Londres aussi bien qu’à Paris ; mais c’était un succès personnel : on savait d’avance que le ministère n’en profiterait que devant l’histoire. Ses heures étaient comptées. L’opposition de M. Maura devait renverser M. Villaverde : elle devait aussi porter au parti conservateur un coup dont il ne se relèverait que plus tard. La place appartenait aux libéraux.

FRANCIS CHARMES.

Le Directeur-Gérant,

F. BRUNETIÈRE.