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arabes, ne parvient jamais, heureusement, à les faire disparaître ! De là, dans cet art méridional, au XIe et au XIIe siècle, les amalgames les plus étranges et les plus inattendus de formes orientales et occidentales, de paganisme et de christianisme, d’imaginations monstrueuses et de réalités solides, une diversité, libre et spontanée, de combinaisons architecturales et de conceptions sculpturales, suivant que les régions sont, plus ou moins ensoleillées, plus ou moins ouvertes ou fermées, devant la mer, en plaine, bois ou montagne. Partout éclate une activité hâtive, désordonnée et confuse, dans la création des églises, de leurs décors, de leurs mobiliers, mais une activité intéressante et émouvante, la vie même de l’art, lorsqu’il reste, chez des peuples imaginatifs, l’expression naturelle et collective de leur foi, de leurs joies et de leurs douleurs, de leurs sensations et de leurs rêves.

Dans la Campanie et le golfe de Salerne, les cathédrales restent fidèles, en général, comme sur le Mont-Cassin, au vieux plan des basiliques romaines. Au contraire, dans la Fouille, la Terre d’Otrante, la Calabre, provinces fraîchement réhellénisées, elles adoptent, presque constamment, le système des coupoles. Nulle part, néanmoins, de système exclusif, de formule absolue, nulle part encore, ni école régulière, ni théories dogmatiques, ni centralisation gouvernementale, ni protectorat monarchique qui impose ou prétende imposer une loi à l’imagination des constructeurs et décorateurs. S’ils se servent tous, à peu près partout, des mêmes élémens, dans un même esprit de force, de richesse, de couleur, ils en modifient sans cesse les proportions, ils en associent et combinent les effets, dans un but d’utilité ou de beauté, avec une liberté facile et infatigable.

Des édifices que les princes normands élevèrent d’abord, à Melfi, leur première résidence jusqu’au transport de la capitale à Palerme, au XIIe siècle, il ne reste rien. Plusieurs tremblemens de terre, dont le dernier, en 1851, fut terrible, ont accompli, là comme alentour, leur œuvre destructive. Quelques beaux portails et le seul campanile de la cathédrale, œuvre d’un architecte du roi Roger, en 1153, Noslo Romerio (Remier ? Normand ?) ont survécu à ce désastre. Dans la Calabre Robert Guiscard avait donné son nom à quelques fondations, aux cathédrales de Nicastro, Squillace, à l’église Santa Eufemia où fut enterrée sa mère. Les tremblemens de terre n’en ont point laissé trace. De