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pittoresque au service de la foi, comme en France celui de Saint-Savin, en Poitou. Les peintures y tapissent le narthex, et, à l’intérieur, les murs de la façade, des bas-côtés, de la nef, de l’abside, d’une absidiole. Sous le narthex, l’archange Michel, en magnifique costume oriental, se dresse pour défendre la Vierge que deux anges présentent dans un médaillon. Le nom de Desiderius (l’abbé Didier) est gravé sur le linteau. La signature de Didier, avec son effigie coiffée du nimbe carré, offrant le modèle de l’église, se trouve aussi dans l’abside. Le long des murs de la nef centrale (comme en 402, sept siècles auparavant, à Nola) se déroulent, d’un côté, des scènes de la Bible, de l’autre, des scènes de l’Evangile. Toute la paroi de l’entrée, du haut en bas, est couverte par le Jugement dernier. C’est avec la fresque de Torcello, dans la lagune vénitienne, exécutée, quelques années après, sur une paroi semblable, la représentation d’ensemble la plus ancienne qui nous reste du drame apocalyptique, celle qui, longtemps, dut servir d’exemple, et dont tous les artistes postérieurs conserveront la disposition générale. Schultz, Cavalcaselle, Crowe, Zimmermann, Dobbert, P. Jessen et d’autres ont longuement décrit et soigneusement étudié ce monument capital pour l’histoire de l’art. Est-ce une œuvre absolument byzantine, absolument italienne ? M. Bertaux nous semble dans la vérité, d’abord lorsqu’il y reconnaît des mains diverses et inégales, puis lorsqu’il y trouve, comme dans tous les autres produits des ateliers bénédictins, par-dessus un fond de traditions romano-byzantines, des apports, plus ou moins considérables, d’élémens occidentaux « empruntés à l’iconographie carolingienne et au décor septentrional. » ) Comme preuves à l’appui, il montre, avant et après ces grandes pages de Sant’Angelo, des vestiges de peintures dans plusieurs grottes, des Santi et délie Fornelle près de Calvi, de San Biagio près Gastellamare, dans les églises de Santa Maria de Oleara, non loin d’Amalfi, et de Santa Maria de Trochio, près du Mont-Cassin, puis dans les églises d’Ausonia, de Foro Claudio, près Sessa. Ici, partout, se retrouve le même amalgame, plus ou moins librement modifié, suivant la qualité des peintres. Il y eut donc bien là une école locale et des tentatives de renaissance.

La source la plus abondante d’informations, à ce sujet, se trouve, naturellement, dans les miniatures, mieux conservées et plus nombreuses que les fresques. Les deux longs chapitres que M. Bertaux a consacrés à « l’Enluminure et la Miniature dans les