Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 28.djvu/106

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en comble. Par un hasard extraordinaire, la crypte de Saint-Vincent, enfouie douze cents ans sous un amas de ruines, et rendue au jour par Mgr Piscinelii, n’a point tellement souffert qu’on n’y puisse, avec grand profit, constater une phase nouvelle d’hellénisation. Là, en effet, comme à Rome, à Santa Maria Antica et dans toutes les mosaïques ou fresques des IXe et Xe siècles, la marque grecque est visible, aussi bien chez les Bénédictins que chez les Basiliens. Cette nouvelle influence orientale venait-elle directement de Byzance ? Non, semble-t-il, car les traits déjà particuliers qui, dans ces œuvres, se mêlent aux traits byzantins, révèlent un travail intermédiaire d’assimilation locale. M. Bertaux a fort bien démontré que le foyer de cette fermentation internationale était alors la ville des Papes. Depuis Jean V (685) jusqu’à saint Zacharie (742-752), presque tous les pontifes furent des Orientaux ; et leurs successeurs, embrassant, comme eux, résolument la défense des images, dans la querelle des Iconoclastes, accueillirent avec empressement tous les moines et artistes chassés d’Orient par la persécution. Nulle surprise, donc, que les mêmes motifs, la même facture, les mêmes détails se retrouvent en des mosaïques romaines et des manuscrits byzantins de la même période, en même temps qu’à Saint-Vincent et à Santa Maria Antica. Nul étonnement, non plus, qu’aux caractères spéciaux de la technique byzantine s’ajoutent des réminiscences, de plus en plus fréquentes, de l’art gréco-romain, origine commune des renaissances, aussi bien à Rome qu’à Constantinople.

Les fresques de Santa Maria Antica, datées par plusieurs portraits de papes coiffés du nimbe carré, privilège des vivans, ont été longuement analysées avec une expérience délicate par M. Venturi. Au temps du pape Zacharie (741-752), un certain nombre d’effigies contemporaines, Théodote, fondateur d’une chapelle, avocat des pauvres, avec sa femme et ses enfans, montrent déjà une recherche sincère de vérité et de grâce. « Un des enfans, la fillette, est gentiment dessinée, avec son petit collier, une fleura la main ; c’est caressé par une main d’artiste. » On y trouve aussi des épisodes bien présentés des légendes de saint Quirico et de sainte Juliette. « Ces fresques nous révèlent la force conservée encore au VIIIe siècle, par la peinture ranimée et secourue par l’art byzantin, et nous offrent le meilleur exemple de ses productions durant la rage des persécutions iconoclastes. »

Dans les fresques de Saint-Vincent, qu’il rapproche de quelques