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Chine, c’était la nacre ; et elle n’était pas à bon marché : telle coupe, en « coquille de perle, » se paie 5 000 francs de notre monnaie, au XIVe siècle.

Quoique l’argile, cette terre molle qui prend sous l’effort de la main et conserve les formes les plus variées, soit répandue en masses énormes sur la surface du globe, négligemment foulée au pied du passant, et quoique toutes les poteries, depuis le fétiche africain jusqu’à la figurine de Saxe, soient à base d’argile, — si bien que l’art du potier semble de tous le plus universel autant que le plus antique, — c’est pourtant la vaisselle d’argile, faïence et porcelaine, qui de toutes est chez nous la plus récente. C’est la dernière du moins dont on a découvert et discerné les mérites, et que l’on a su fabriquer assez parfaitement pour lui permettre d’entrer d’abord en concurrence avec les vaisselles métalliques ou ligneuses et de les supplanter.

Cette industrie, où les Chinois débutaient cent ans avant l’ère chrétienne, où ils excellaient au XVe siècle, était chez eux si développée, il y a deux cents ans, qu’une seule ville — King-té-Tchin — comptait 3 000 fours à porcelaine, au moment même où se fondait chez nous la manufacture de Sèvres. La Corée, le Japon, partageaient alors avec la Chine la suprématie céramique dans le monde ; pour la pureté de la matière et l’éclat des « couvertes, » ils n’avaient pas de rivaux. Fils des empires du « Milieu, » du « Matin Calme » et du « Soleil Levant » sont aujourd’hui rejoints par nos concitoyens de l’Occident. Sous le rapport scientifique, ils seraient même dépassés, n’était l’ardeur que mettent les Japonais à s’approvisionner en nos usines des appareils mécaniques les plus perfectionnés et à se tenir au courant des applications de la chimie actuelle.

Il y a quatre ans, deux Japonais, autorisés à suivre une cuisson de porcelaines à Sèvres, essayaient, durant la nuit passée auprès du four, de communiquer leurs idées sur la fabrication à M. Vogt, le savant directeur des travaux techniques. Mais les rudimens de français qu’ils possédaient étaient insuffisans pour arrivera se faire comprendre. Parmi les mots qu’ils répétaient avec insistance, — sili, silik, — plus ou moins bien articulés pour nos oreilles européennes, « je crus reconnaître, raconte M. Vogt, le mot silice. J’écrivis, à tout hasard, la formule SiO2 et la leur présentai. À cette vue, le visage des Japonais