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commencer. En liguant sa fortune et son titre au fils de lady Jean, le vieux duc, par un dernier scrupule, avait déclaré qu’il les lui léguait comme « à l’héritier du sang de son père, le marquis de Douglas. » Et à peine lady Hamilton eut-elle connaissance du testament qui la déshéritait, qu’elle intenta une action publique contre le jeune Archibald, se faisant fort d’établir qu’il n’était point l’« héritier du sang des Douglas. » Ainsi s’engagea un procès qu’aujourd’hui encore les Anglais désignent du nom de « la Grande Cause : » une cause qui, pendant près de dix ans, allait passionner l’Angleterre et l’Ecosse, ou plutôt l’Europe entière, diviser les familles les plus unies, rompre à jamais les plus solides amitiés, et mettre violemment aux prises, jusque dans la rue, les défenseurs et les accusateurs de feu lady Jean.


Celle-ci, comme je l’ai dit, n’avait jamais cessé d’affirmer, et sous les sermens les plus solennels, qu’elle était bien la mère des deux enfans : mais, quand on lui avait demandé d’en fournir la preuve, toujours elle s’y était refusée très énergiquement, en répétant que c’était à ses adversaires de prouver l’imposture dont ils l’accusaient. Quant à son mari, le colonel Stewart, et à la fidèle femme de chambre qui les avait accompagnés à Paris en juillet 1749, tous leurs récits des circonstances de l’accouchement n’étaient, sans aucun doute possible, qu’un tissu de mensonges et de contradictions. Le colonel, en particulier, non seulement se reconnaissait incapable de donner l’adresse exacte de la sage-femme, mais variait même sur le nom de cette personne. Il ne retrouvait pas, non plus, le nom ni l’adresse de la nourrice à qui il prétendait avoir confié le petit Sholto. Tout au plus avait-on obtenu de lui le nom du médecin qui avait fait l’accouchement, Pierre Delamarre : encore soutenait-il qu’il l’avait rencontré aux Tuileries, et n’avait jamais su où il demeurait. Tout cela était, en vérité, extrêmement suspect, et bien fait pour encourager les espérances de lady Hamilton. Et cette dame avait en outre la chance de connaître, parmi les familiers de sa maison, un jeune avocat écossais, Andrew Stewart, qui joignait à des dons précieux d’activité un véritable génie d’investigation policière : quelque chose comme le prototype à la fois et l’idéal de ces « détectives amateurs » que se plaît à créer inépuisablement, de nos jours, la fantaisie des romanciers anglais. Ce fut cet Andrew Stewart que la duchesse d’Hamilton envoya en France, avec mission de découvrir ce qu’il en était, au juste, de la grossesse et de l’accouchement de la sœur de lord Douglas.

Je ne puis songer, malheureusement, à résumer ici les diverses