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suscitèrent de nouvelles exigences auxquelles l’œuvre de Beautemps-Beaupré ne pouvait entièrement satisfaire.

Le tirant d’eau et le déplacement des navires, tant dans la marine de commerce que dans la marine de guerre, allaient sans cesse en croissant. L’augmentation du tirant d’eau multipliait les chances d’échouement sur des dangers qui ne semblaient pas à redouter aux marins de l’époque précédente. L’augmentation du déplacement rendait les échouages plus dangereux et, en cas de perte, plus désastreux. La marine de commerce, pour laquelle, de plus en plus, le temps devenait de l’argent, prenait l’habitude de choisir les routes les plus directes pour abréger les traversées. Tandis que les voiliers s’écartaient toujours des côtes et surtout des pointes qu’ils considéraient comme l’ennemi, les vapeurs s’en rapprochaient pour couper au plus court de manière à arriver plus vite au port.

Mais ce fut surtout l’apparition des torpilleurs qui mit en défaut l’œuvre de Beautemps-Beaupré. Ces petits bateaux doivent en effet circuler surtout le long de la côte au milieu des roches et des îlots, de manière à pouvoir se dissimuler aux regards de l’ennemi qui croise au large et l’attaquer à l’improviste une fois que la nuit est venue. Ils doivent encore, pour échapper plus sûrement à la poursuite des destroyers, couper court au milieu des dangers, dans des passes étroites et sinueuses où de plus gros bateaux ne pourraient les poursuivre. Les cartes n’avaient pas été faites pour cela ; en beaucoup d’endroits, les contours seuls des plateaux dangereux avaient été déterminés, et de vastes espaces avaient été laissés en blanc, parce que les navires du temps de Beautemps-Beaupré n’auraient pu y pénétrer sans s’y perdre. De même bien des petits ports, des criques avaient été laissés de côté par Beautemps-Beaupré parce que de son temps ils n’étaient fréquentés que par des pêcheurs qui ne se servent pas de cartes ; ils devenaient nécessaires aux torpilleurs qui pouvaient y trouver un refuge éventuel contre l’ennemi ou contre le mauvais temps.

Nous avons dit que le tirant d’eau de nos grandes unités de combat, en augmentant, devait conduire à une reconnaissance plus approfondie des passes qu’elles étaient appelées à fréquenter. Des accidens retentissans vinrent bientôt montrer la nécessité de cette nouvelle reconnaissance. Ce fut d’abord l’échouage du cuirassé le Fulminant qui, en 1887, faillit se perdre sur une roche