Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 27.djvu/848

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

singulièrement départ et arrivée, les malles n’étant ni enregistrées, ni examinées. La circulation libre, les employés nombreux, tous à leur poste, indiquent assez que l’on est au pays par excellence des déplacemens.

Huit jours exquis entre tous dans les bois enchantés d’Ascot qui continuent le grand parc de Windsor et firent longtemps partie du domaine royal. Parce qu’ils ne sont morcelés que depuis une centaine d’années, il n’y faut point chercher d’anciennes demeures ; en revanche, les chênes ont un âge légendaire. À leur ombre s’éparpillent de rians cottages ; un village plein de ressources, pourvu d’une jolie bibliothèque, de boutiques et de bazars dignes d’une ville, s’est construit sous les auspices de l’immense hippodrome.

Les courses attirant chaque année des milliers d’étrangers sont une cause de prospérité pour le pays ; le 2 juin, jour de la Coupe, est une hégire à proprement parler. Rien de plus laid d’ailleurs que le grand Stand dégarni de tout ce qui brille, de tout ce qui bruit dans ses tribunes et dans l’enceinte de son cercle magique ; ce n’est plus qu’une colossale et morne armature dont ‘on se figure difficilement l’aspect à l’heure où s’y montrera l’Angleterre royale et aristocratique, — car les courses d’Ascot sont, chacun le sait, la fête du grand monde et de la fashion, comme Epsom est la fête du peuple en masse, l’amour sincère et passionné du cheval étant commun à toutes les classes de la nation ; Les belles toilettes sont inaugurées à Ascot, les beaux équipages y affluent ; cette monotone étendue plane, qui dégage l’ennui lorsqu’on la regarde au repos, se montre alors vibrante d’excitation, grouillante de spectateurs, dont les chapeaux forment comme une houle grise ; la spéculation y fait et y défait des fortunes. Aujourd’hui le temple du sport est vide, le dieu, les fidèles sont absens ; je n’ai qu’à lui tourner le dos, puisque aussi bien mon chemin est d’un autre côté, vers le bois.

Il n’y a presque, au sortir de la station, qu’à pousser une barrière rustique ; derrière se déroule et monte un sentier qui ressemble à ceux des gorges d’Apremont, tout embaumé d’odeurs résineuses, veiné de grosses racines dont les nœuds percent le sable et soulèvent l’épaisse jonchée des aiguilles de pins. À peine tracé parmi les hautes fougères, ce chemin débouche, dans un jardin, devant le cottage, puisqu’il faut appeler ainsi ce groupement pittoresque de toits de brique, de pignons, de Windows