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d’un brun rougeâtre sur le modèle de Sainte-Sophie de Constantinople et des églises de Ravenne, perdra, je crois, à l’excès d’ornement. Deux ou trois chapelles, déjà toutes scintillantes de marbres précieux, semblent rapetissées par leur trop tapageuse décoration. La partie extérieure est entièrement terminée ; on en peut juger autant que le permet le manque de place. Autour d’un pareil édifice il faudrait un espace libre et vaste à proportion, qui permît d’embrasser l’ensemble. Faute de recul, on se sent comme écrasé par cette lourde masse de brique rayée de blanc. En vain nous dit-on que le porche principal est plus grand que celui de Saint-Marc de Venise et le campanile appelé tour Saint-Edouard, plus haut que les tours de l’abbaye de Westminster ; ni Saint-Marc ni l’abbaye ne sont cependant égalés. Il est vrai que de toutes parts est visible, du moins, le campanile avec son dôme de métal, et le symbole de la croix qui le surmonte domine la grande ville protestante. C’est une prise de possession hardie, une revanche de l’obscurité passée, quoiqu’il y eût déjà de jolies églises catholiques à Londres, l’église des jésuites de Farm-Street entre autres, celle que j’ai le plus fréquentée. J’y payais un shilling ma place à la grand’messe.

Les fidèles de chez nous s’accommoderont-ils facilement de cette conséquence inévitable de la séparation de l’Eglise et de l’Etat ? Il n’en faut pas douter. Nous ferons le nécessaire ; nous n’oublierons pas que les pauvres qui se procurent à grand’peine le pain matériel, ne tiendraient peut-être pas assez, sans l’aide de leurs frères plus favorisés, à la nourriture de l’âme. Ce qu’on donne en Angleterre pour les écoles catholiques et pour les frais du culte, nous voudrons le donner aussi, — quoique la tâche doive être autrement difficile, dans les campagnes surtout que délaissent nos grands propriétaires. Beaucoup de problèmes résolus en ce pays plus riche et plus libre que le nôtre vont nous être proposés. Des points d’interrogation se dressent auxquels l’avenir seul saura répondre.


Combien de conversations intéressantes accompagnent pour moi ces promenades dans Londres ! J’ai dit que le monde était déjà dispersé, mais il y a toujours des passans qui ne font que camper chez eux entre deux absences. Partager ce campement est un privilège. Vos hôtes sont en ville incognito, à l’heure où l’on n’y doit pas être ; ils sont prêts à entreprendre avec vous