Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 27.djvu/842

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

richement sculpté au XVe siècle, mais la figure couchée dans l’habit d’un moine augustin est bien du temps de Rahère. Cet ami des pauvres, qui continuent à bénir son nom, eut une étrange histoire. Quoique ecclésiastique, il était homme de cour, célèbre par son esprit, favori du roi Henri Ier. Pendant un voyage qu’il fit à Rome, la malaria le prit et il faillit mourir : saint Barthélémy lui apparut alors en une vision tragique et lui ordonna de créer l’hôpital que nous avons vu tout à l’heure sur la grande place de Smithfield. C’est le plus ancien des établissemens de bienfaisance de la ville. Chaque année, cent cinquante mille malades environ y viennent chercher des soins gratuits ; et, en cas d’accident, ils sont admis immédiatement, à quelque heure que ce soit, car Rahere avait entendu les paroles suivantes : « Le Tout-Puissant habitera cette maison spirituelle, et la bénira et la glorifiera, et ses yeux seront fixés sur la maison jour et nuit afin que celui qui demande reçoive, que celui qui cherche trouve, et qu’il soit ouvert à celui qui frappe. » Rahere bâtit aussi l’église sur des terres dont la concession lui fut accordée par le roi, qui s’engagea solennellement à maintenir et défendre les droits de cette église autant que sa couronne même, enjoignant à tous ses héritiers et successeurs de confirmer les libertés qu’il accordait. Ce qui a été fait jusqu’à ce jour à travers les changemens apportés dans le culte par la Réforme.

Une grande piété s’attache à Saint-Barthélémy : on y vient de loin. Les dons n’ont cessé d’y affluer magnifiquement ; il n’est pas jusqu’à une pauvre ouvreuse de bancs qui n’ait légué six cents livres sterling, économisées sou à sou, pour la construction d’une chaire. Aussi son nom est-il gravé sur le marbre. Quelques monumens, survivant à d’autres aujourd’hui détruits, rappellent des noms plus illustres, ceux de nobles paroissiens à l’époque où Saint-Barthélémy n’était pas une paroisse de petites gens. Un sir Robert Chamberlayne, mort en 1615, est à genoux sous un dais supporté par des anges ; deux têtes d’époux du temps d’Elisabeth sortent de lucarnes carrées comme pour prêter encore dévotement l’oreille au sermon ; un trésorier de cette grande reine, sir Walter Mildmay, trop puritain pour permettre qu’on lui consacre une statue d’albâtre, porte cependant sur son tombeau une multitude d’écus armoriés qui rappellent les alliances illustres de sa famille ; il y a aussi des figures de la période jacobite en hautes collerettes. De curieuses épitaphes se laissent déchiffrer.