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de son droit de président pour les entretenir de la situation présente. Il est probable qu’on croyait que Catilina n’aurait pas l’audace de se présenter, mais il tenait à donner le change jusqu’au bout et il voulait se justifier s’il était attaqué. Quand on le vit entrer, personne ne s’approcha de lui pour l’entretenir, personne ne répondit à son salut. On s’éloignait à son approche, et sur le banc où il s’assit, il se trouva seul. Cet accueil, auquel il n’était pas accoutumé, dut le surprendre et l’intimider ; Cicéron au contraire, y puisa une énergie qui ne lui était pas ordinaire. S’adressant à Catilina et le faisant lever, il lui demanda ce qu’il avait fait la veille et s’il n’avait pas assisté à la réunion qui s’était tenue chez Læcæ. Catilina, troublé par la vivacité de l’attaque, et encore plus par l’attitude de ses collègues, ne répondit rien. Ce silence d’un homme si audacieux d’ordinaire était déjà un grand succès pour Cicéron, et il en a triomphé plus tard. « Catilina s’est tu devant moi ! » disait-il avec orgueil. Aussitôt il en profite pour le presser de questions : il lui met devant les yeux ses projets qu’il a découverts, il détaille tout le plan de la guerre civile qu’il prépare. Catilina, de plus en plus troublé, n’oppose à ces violentes attaques que des réponses embarrassées. « Il hésitait, il était pris. » Le consul entame alors un discours suivi, il cherche à lui démontrer qu’il ne peut plus rester à Rome, où tout le monde le regarde comme un mauvais citoyen ou plutôt comme un mortel ennemi. « Il lui demande pourquoi il paraît balancer à partir pour ces lieux où depuis si longtemps il était décidé à se rendre, puisqu’il y avait envoyé devant lui une provision d’armes, des faisceaux, des haches, des trompettes, des drapeaux, et cette aigle d’argent de Marius, à laquelle il rendait un culte secret dans sa maison et qu’il honorait par des crimes. » Il le presse d’aller retrouver ses soldats, qui campent à Fæsulæ, et le centurion Manlius qui l’attend pour déclarer la guerre au peuple romain. C’est, comme on le voit, le sujet même et presque les expressions de la première Catilinaire. La seule différence est que cette partie avait été précédée dans le discours-original par une sorte de combat singulier entre les deux adversaires, qui ne se retrouve plus, au moins sous cette forme, dans celui que nous possédons.

Chez nous, dans nos assemblées politiques, les luttes personnelles sont sévèrement défendues. Le règlement les interdit, et dès qu’elles menacent de se produire, le président, sans y