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Athénien doit ressentir en présence des marbres de lord Elgin, prisonniers du British Muséum. Ces Watteau, ces Lancret, ces Pater, aussi beaux que ceux qui vinrent rendre visite à notre Exposition de 1900, ne sont-ils pas à nous ? Tous ces meubles sans prix du XVIIIe siècle, la plupart originaux, les autres copiés par Riesener, ne devraient-ils pas être logés à Trianon ? Sur cette table de laque verte fut signé le traité de Tilsitt, ce bureau a été offert par Louis XV à la grande Catherine, ce collier fut un cadeau de Marie-Antoinette à la princesse de Lamballe : si facile à trancher ce frêle cou d’enfant ! Mme de Pompadour en robe feuille morte, peinte par Boucher, semble un peu triste de son exil à Londres. Nous pourrions consentir encore à partager avec nos voisins les Nattier, les Greuze surtout. Vraiment trop de Greuze ! Mais quelques-uns intéressans à d’autres titres que la joliesse du visage, comme par exemple cette Sophie Arnould qui pétille d’esprit. C’est cependant la recherche des grâces légères que se sont surtout proposée les collectionneurs, il serait inutile de le nier ; la qualité dominante de ce cadeau plus que royal fait de nos dépouilles à l’Angleterre n’est pas l’austérité. Les puritains auraient lieu de crier au scandale s’ils ne se rappelaient que le choix de ces scènes libertines, de ces friponnes figures déshabillées a été fait après tout par le goût anglais. On se demande, devant leur nombre, comment il peut encore en rester chez nous quelques-unes. Et elles ne sont pas toutes du XVIIIe siècle : une dame auprès de moi prend Mademoiselle de Clermont pour une courtisane. Quand on songe que Mme de Genlis a écrit sur cette baigneuse qui montre beaucoup plus que ses jambes tel roman prétendu historique qui en fait presque une Princesse de Clèves !

Heureusement la grande salle de l’école française contemporaine ouvre un refuge aux pudeurs effarouchées ; plusieurs des Meissonier, des Rousseau, des Decamps, des Corot les plus célèbres, y ont leur place. Très éclectique, lord Hertford s’est approprié de beaux Philippe de Champaigne, et dans la section du XVIe siècle qui renferme tant de cires coloriées plus précieuses que belles, les Clouet ne manquent pas, un Hertford entre autres, de fière allure, non loin de Marie Stuart en deuil blanc, blanche de teint, châtaine de cheveux, les yeux bruns, bien fendus, le nez long et busqué. L’unique portrait véritable, m’assure-t-on, qui existe d’elle. La miniature blonde est de