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passé pour constant que les enfans qui naissoient le jour étoient plus heureux que ceux qui venoient au monde pendant la nuit[1]. » L’heureux événement fut annoncé à Versailles par la cloche du palais, comme c’était l’usage, et à Paris par le carillon de la Samaritaine. Lors de la naissance du second Duc de Bretagne, venu au monde en 1707, le Roi, nous l’avons dit, avait interdit les réjouissances. Bien que les temps ne fussent pas moins tristes, il ne prit pas la même précaution, et des fêtes furent spontanément données dans un grand nombre de villes de France, à Paris en particulier, où le Prévôt des marchands et les échevins organisèrent, sans avoir reçu d’ordres, un brillant feu d’artifice. « Trois emblèmes prétendoient y faire voir trois des principales vertus nécessaires à un prince : sçavoir la sagesse, la grandeur dame et la science. » L’instinct populaire voyait en effet, dans la naissance ardemment désirée d’un nouvel héritier du trône, comme un heureux présage qui annonçait la fin des maux de la guerre et le retour à l’ancienne prospérité. Ce sentiment se traduit dans les nombreux sonnets que la naissance du jeune prince inspirait aux rimeurs de cour. Parmi les pièces de vers assez médiocres que rapporte le Mercure, nous choisissons celle-ci :


De votre bras vengeur nous ressentons le poids,
Grand Dieu ; vous nous frappez de fléaux légitimes ;
Tout ce que nous donnèrent vos bontés magnanimes
S’est trouvé de nos mains enlevé par vos lois.

A peine vos rigueurs nous ont laissé la voix,
Mais loin d’envisager les excès de nos crimes
Détournez vos regards vers les vertus sublimes
Que pratique à vos yeux le plus sage des rois.

Ma Seigneur, vous daignez exaucer ma prière ;
Je vois par son bonheur finir notre misère,
Votre cœur apaisé donne un prince à nos lis.

De son berceau naîtra la paix et l’abondance
Et par luy vous laissez plus de bien à la France
Que nos tristes forfaits ne nous en ont ravis.


Le royal enfant dont le berceau semblait contenir tant de promesses, à qui on souhaitait grandeur dame, sagesse et science,

  1. Mercure de France, année 1710, p. 203 et 207.