Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 27.djvu/813

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

duchesse de Fronsac, l’un ayant entrepris de le convertir et l’autre de le séduire. Disons seulement que la pénitence fut assez longue et qu’il n’en sortit que le 19 juin 1712[1]. A sa sortie, il obtint d’être envoyé à l’armée de Flandres, non sans que Mme de Maintenon fût intervenue en sa faveur, et eût sollicité cette grâce du Roi. Aussi Fronsac demandait-il à prendre congé d’elle, et elle lui adressait une lettre pleine de si bons conseils que le duc de Richelieu déclarait son fils « indigne de vivre s’il n’étoit pas touché d’un repentir sincère par la manière convaincante dont elle savoit inspirer la sagesse et la vertu[2]. »

Pour en revenir à la Duchesse de Bourgogne, peut-être fut-elle en effet un peu imprudente, un peu coquette, si l’on veut, avec ce joli enfant que Mme de Maintenon elle-même était tentée de prendre sous le menton. En tout cas, ce ne fut de sa part que légèreté, car elle s’était, à cette époque, sérieusement et tendrement rapprochée de son mari. Une des personnes qui lui étaient jusque-là le moins favorables, Madame, elle-même le reconnaît, en même temps qu’elle lui rend témoignage sur d’autres points. « Elle a beaucoup gagné à son avantage, écrivait-elle le 9 mai 1711, et vit en bonne intelligence avec son mari. » Et elle continue par ce portrait du mari lui-même : « Le bon seigneur n’est pas aussi laid qu’il est mal bâti ; il est boiteux et bossu, mais le visage n’est point laid ; il a des yeux magnifiques et pleins de raison, et le reste de la figure n’est point mal. Ses cheveux sont très beaux. Il en a une vraie perruque… Il est un peu trop

  1. En 1715, Fronsac courut de nouveau le danger d’être mis à la Bastille. Pour y échapper il adressait à Mme de Maintenon des lettres très humbles. « J’ose vous supplier, lui écrivait-il, de songer que je n’ai que dix-neuf ans, et qu’il est aisé de voir que l’âge et l’expérience corrigent assez de ces sortes de fautes-là. Je vous supplie de songer aussi que je suis un pauvre orphelin qui n’a plus d’autres asiles que la Cour et d’autres soutiens que vos bontés ; » et dans une autre lettre : « Je suis dans une appréhension et dans un désespoir qui fait que je ne dors ni jour ni nuit du malheur que j’ai eu de déplaire au Roi… Si j’étois assez heureux pour qu’il voulût bien suspendre sa colère ou me permettre d’aller me jeter à ses pieds, j’ose vous supplier, Madame, de vouloir bien me le faire savoir. Vous me rendrez la vie. J’ai tant reçu de marques de vos bontés que j’ose en attendre encore celle-ci et je vous supplie de ne pas douter de ma parfaite reconnaissance. » Je dois communication du texte authentique de ces doux lettres à l’obligeance de M. le duc de Lesparre qui possède deux curieux volumes de copies de lettres adressées à Mme de Maintenon dont le plus grand nombre sont inédites. Ces deux lettres de Fronsac avaient cependant été publiées par La Beaumelle. (Édition de Maëstricht, t. VIII, p. 40 et 41), mais, comme toujours, inexactement.
  2. Archives du duc de Lesparre.