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Vie de César n’aurait pas parlé tout à fait ainsi. Il aurait vu toute une école révolutionnaire employer des moyens terribles, incendier et tuer sans scrupule et au hasard, pour épouvanter la société, et, grâce à ces sinistres avertissemens, lui arracher le triomphe de leurs doctrines. On peut croire que c’était aussi le dessein de Catilina. Même quand on prouverait qu’en soi la destruction de quelques maisons et la mort de quelques personnes n’étaient pas pour lui d’un grand profit, il est sûr qu’il y gagnait de faire peur à tout le monde, de paralyser les résistances, de rendre facile le grand bouleversement qu’il préparait. Nous avons trouvé tout à l’heure dans certains de ses propos l’accent des socialistes de nos jours. Ne peut-on pas dire que ces incendies et ces massacres ressemblent de quelque façon aux procédés ordinaires de nos anarchistes ? Ces rapprochemens, qui viennent naturellement à l’esprit, font comprendre comment l’histoire d’aujourd’hui explique celle d’autrefois.


III

Si l’on en croit Salluste, Catilina redoubla d’activité après son second échec. « A Rome, il se multiplie ; il tend des pièges au consul, il prépare l’incendie de la ville, il fait occuper les postes avantageux. Lui-même ne sort plus qu’armé[1], et il invite ses amis à faire comme lui. Il les exhorte à être toujours attentifs et préparés. Nuit et jour, il se démène, sans que l’insomnie et le travail puissent un seul instant l’abattre. » Il semble bien cependant que, cette fois, son insuccès lui ait ôté quelque chose de sa confiance. Comme il apprend qu’un jeune homme, L. Æmilius Paulus va le traduire devant le tribunal qui est chargé de punir les séditieux (lege Ptaulia, de vi), lui, qui a si fièrement bravé deux fois ses accusateurs, paraît se troubler. Pour faire croire qu’il n’a rien à se reprocher et qu’il défie les soupçons, il offre de devancer l’accusation et de se constituer prisonnier. On sait qu’à Rome, certaines personnes avaient le privilège de n’être pas enfermées dans la prison commune. On les donnait à garder à des magistrats, ou même à des particuliers, qui en répondaient. Catilina demanda à être interné chez M. Lepidus, puis chez le préteur Marcellus, et, comme ils

  1. « C’était une chose hors d’usage à Rome, dit le président de Brosses, où les officiers militaires mêmes ne portaient jamais d’arme. »