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dénigrement qui se réjouissent de toute démolition de leurs chefs. Les hommes de discipline et de devoir jugèrent que ce n’était pas le moment de diminuer la force morale de notre armée en ébranlant la confiance qu’elle avait en elle-même, et d’ajouter à l’audace entreprenante des Prussiens en leur faisant croire, qu’ils ne trouveraient devant eux que des ignorans, des corrompus, des fanfarons et une organisation pourrie hors d’état de supporter un choc. « C’est une mauvaise action ! » me dit le général Bourbaki d’une voix tremblante d’émotion.

L’Empereur n’avait pas été surpris de la plupart des critiques de Trochu, puisque, bien avant le général, lui-même les avait adressées à ses divers ministres de la Guerre ; mais il fut mécontent de cet étalage exagéré de plaies dont le général avait eu toute liberté d’entretenir la Haute commission, et qu’une publicité inopportune envenimait, grossissait et ne guérissait pas. Cependant, toujours indulgent, il refusa d’exercer des rigueurs, bien légitimes puisque le livre avait été publié, sans l’autorisation nécessaire, sous un anonymat transparent. Il y avait donc dans le livre de Trochu tout le mérite qu’on voudra, excepté celui du courage.


IX

A l’ouverture de la session, l’Empereur recommanda l’adoption du système accepté par le Conseil d’Etat : « Le projet de loi, qui a été étudié avec le plus grand soin, allège le fardeau de la conscription en temps de paix, offre des ressources considérables en temps de guerre, et, répartissant dans une juste mesure les charges entre tous, satisfait au principe d’égalité ; il a toute l’importance d’une institution, et sera, j’en suis convaincu, accepté avec patriotisme. L’influence d’une nation dépend du nombre d’hommes qu’elle peut mettre sous les armes. N’oubliez pas que les États voisins s’imposent de bien plus lourds sacrifices pour la bonne constitution de leurs armées, et ont les yeux fixés sur vous pour juger, par vos résolutions, si l’influence de la France doit s’accroître ou diminuer dans le monde. »

La Chambre nomma une Commission de dix-huit membres dans laquelle elle fit entrer quelques-uns de ses députés les plus disposés à résister aux pressions du gouvernement[1]. La

  1. Larrabure, président ; Buffet, Gressier, Talhouët, Chevandier de Valdrôme, d’Albuféra, etc.