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surmonté d’une vasque où s’égouttait un jet d’eau. Des linges mouillés pendaient tout le long de la margelle. A côté, un individu nu jusqu’à la ceinture, les reins entourés d’une espèce de pagne, foulait d’autres linges qu’il piétinait en cadence, comme un vendangeur dans une cuve…

Très exhaussée au-dessus du bassin, une galerie à colonnes torses encadre tout le patio. Des Arabes couchés y dormaient ; d’autres jouaient aux dames, ou fumaient, en buvant du thé ou du café dans de petites tasses peintes de couleurs crues.

Le foulon, interrompant sa besogne, me conduisit dans la galerie, m’assigna une natte et me convia à me déshabiller. Les pas du foulon s’amortissaient sur le marbre onctueux. Il glissait comme une ombre. Aucun bruit dans le patio, sinon, de temps en temps, une rumeur de paroles échangées à voix basse. On se serait cru dans une mosquée, à l’heure de la prière nocturne.

Quand je fus prêt, le foulon me noua une serviette autour des hanches, puis il alla quérir le baigneur, — un adolescent, pâle et mince comme un cierge de cire, et plus trempé, plus ruisselant qu’une naïade. Le torse nu, la peau bronzée et distendue par les côtes saillantes, un simple torchon ficelé à la taille, l’esclave s’agenouilla, m’attacha aux pieds des sandales de bois blanc, et, me soutenant par les aisselles (car je risquais de tomber à chaque pas sur les dalles du patio toutes grasses d’eau savonneuse), il m’entraîna vers l’étuve, dont la porte de chêne retomba lourdement derrière nous.

Une chaleur humide, suffocante, me coupa la respiration. Je me sentais défaillir, un flot de sueur m’inonda soudain de la tête aux pieds. Mais, d’un mouvement brusque, mon guide me renversa, m’étendit sur une plate-forme rectangulaire recouverte d’une plaque de marbre noir : elle était chauffée à l’intérieur. Il me sembla qu’elle me brûlait. Je me relevai vivement, mais l’Arabe me força à me recoucher, pesa sur tout mon corps de façon que le contact fût complet entre le marbre et ma chair.

— Reste là ! — me commanda-t-il, — ne bouge pas avant que je vienne !…

Je ne bougeais plus. J’étais comme anéanti. Je me liquéfiais par tous mes porcs. Quand la plaque me brûlait trop fort, j’essayais inutilement de me soulever, ma peau adhérait à la pierre. Puis, peu à peu, je m’habituai à ce supplice. Je goûtai une sorte d’évanouissement voluptueux. Ma conscience