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Nord. Les maisons des pauvres en ont dans leurs escaliers et dans leurs corridors. Et (pour ne citer qu’un seul édifice moderne), l’hôtel de ville de Constantine, dont l’architecture est pourtant médiocre, laisse l’impression d’une chose très belle, grâce à ses colonnes de porphyre rouge et jaune, aux plaques de marbre vert, de marbre noir, aux brèches de toute espèce qui en revêtent les salles, les vestibules et les cours.

Avec cette richesse de matériaux, on comprend que l’Afrique ait été la mère des sculpteurs et des architectes.

Nous ne faisons encore que soupçonner l’étendue et la variété de leur œuvre. Des villes entières, avec leurs monumens presque intacts, sont sorties de leurs décombres. Tout un peuple de statues a pris place sur les socles de nos musées. Mais d’autres surprises nous attendent, dans cette patrie du marbre… Pour moi, quand j’essaie de ressusciter quelque vision de cette Afrique latine, ce que j’aperçois d’abord, comme le symbole de toutes ses splendeurs, — splendeurs du ciel, splendeurs de la mer, splendeurs des végétaux et des pierres, — c’est, sur une colline du Sahel, entre une double rangée de cyprès noirs, pareille à un cortège d’obélisques funéraires, — une petite chapelle de marbre blanc, enguirlandée de roses, où s’incline et sourit une Vénus pudique : toute la joie de la vie et toute la sérénité de la mort !

J’évoque ces calmes images devant les mosaïques éteintes de la villa écroulée. Mes yeux s’égarent sur les tas de pierres qui m’environnent. Je ne cherche point à me figurer l’édifice opulent qu’elles supportaient jadis, mais je songe à tous les raffinemens de civilisation qui s’accumulèrent entre ses murs, raffinemens tels que les nôtres paraissent misérables et bourgeois en comparaison !

Nos architectes s’avisent-ils, comme ceux d’autrefois, de capter la lumière et la chaleur du jour, grâce à une orientation convenable des pièces, à une disposition habile des ouvertures, pour combiner cette chaleur et cette lumière naturelle avec des chauffages et des éclairages factices ? Avons-nous cette sagesse de ne pas mépriser la nature et de nous emparer de toutes les ressources qu’elle nous offre ? Eux, les anciens, ils aimaient mieux s’exposer aux rayons du soleil qu’à la vapeur d’un calorifère et ils n’ouvraient les tubes à air chaud qui traversaient leurs appartenions, que si la température était tout à fait inclémente.