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manœuvres ne pouvaient manquer d’exciter le fanatisme inverse, peu de temps après la fête. Elles n’en empêchèrent pas le succès : succès moral, si l’on peut dire sans offenser la mémoire de ces prédicans ; mais à un point de vue plus matériel, les comptes bouclèrent encore par un déficit.

Le livret[1] n’offre que peu de nouveautés. Il faut noter pourtant qu’au lieu de commencer par la scène des bergers et de l’orage, désormais traditionnelle, l’œuvre s’ouvrait par une sorte d’invocation à l’agriculture, la patrie et la vigne. — Après le couronnement des Vignerons, un conseiller chanta des couplets en l’honneur du rétablissement de la paix civile, dont le chœur général entonnait le refrain :

Descends du ciel, fille de l’Harmonie.
Aimable Paix, unis tous nos Cantons.
Sur tous les fils de l’heureuse Helvétie
Verse à jamais tes plus précieux dons.

Ces couplets étaient une idée de M. Walther : il ne se doutait guère que lorsqu’ils résonneraient sur la place du Marché, les troupes fédérales seraient en train de rétablir l’ordre à l’autre bout de la Suisse, et que même le sang aurait coulé (bataille de Prattelen, 3 août). — Le Baron, qui présidait à la noce villageoise, était maintenu dans son rôle, malgré la poussée toujours plus, forte de la démocratie ascendante ; mais c’était à la condition de renoncer à ses droits et prérogatives ; et il chantait :

Oui, d’une égalité touchante,
Croyez que je sens tout le prix,
Aujourd’hui, fête trop charmante,
Je suis votre égal, mes amis !

J’imagine que l’ancienne aristocratie vaudoise, qui conservait, à défaut de ses privilèges, ses idées et sa fierté, n’applaudit que du bout des doigts.


IV

En 1847, la Confrérie révisa ses règlemens, qui dataient de 1811 et ne furent plus retouchés qu’en 1873. Sa prospérité s’était

  1. Description de la Fête des Vignerons célébrée à Vevey, les 8 et 9 août 1838.