Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 27.djvu/658

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

personnel féminin est remise sur le tapis, et fait un nouveau pas : l’on décide que, « par amendement de ce qui s’est pratiqué précédemment et sur la demande du comité de la Noce, » les huit amies de noces seront « du sexe[1] ; » mais pour le reste, on s’en tient aux traditions : le conseiller Walt lier, l’homme écouté, rappelle les motifs qui ont empêché jusqu’alors « d’admettre des filles dans les troupes de Palès et de Gérés[2] ; » et ils paraissent encore irréfutables. Les couplets sont fournis par divers auteurs : comme on en refuse, les choix provoquent quelques réclamations. — L’on soigne la liste des invités : parmi ceux-ci, le général F. C. de la Harpe, dont la popularité est très grande, s’excuse de ne pouvoir se rendre à Vevey, en raison de son « âge avancé, » — et, en remerciant le Conseil des trois cartes qu’on lui a envoyées, il ajoute avec une candeur charmante qu’il « en remettra une à sa femme, une à sa nièce et gardera la troisième pour souvenir[3]. » Un comte polonais, malade, qui est eu séjour à Bellerive, demande et obtient l’autorisation de se faire « placer sur l’estrade dans son petit lit ; on fixera le prix d’après la place qu’il occupera[4]. »

Des troubles politiques, provoqués par la question de la révision du pacte fédéral, faillirent tout compromettre : la Confédération leva des troupes, pour occuper Schwitz extérieur et Bâle-Campagne[5]. Trente-quatre figurans de la fête faisaient partie d’un bataillon que le colonel Vischer devait conduire contre les dissidens bâlois. L’autorité militaire accepta des « réservistes » de la contrée, qui s’offrirent pour remplacer les figurans ; ceux-ci rejoignirent leur bataillon aussitôt après les représentations[6]. Et ce trait de dévouement, de simplicité, de bonhomie montre bien quelle place tient la Fête des Vignerons dans la vie nationale. Sa popularité n’empêchait cependant pas les piétistes de condamner à grand fracas un spectacle qui restaurait le culte des faux dieux. « Un catéchiste, raconte M. A. Cérésole[7], avait interdit à ses élèves d’assister à la fête. Un pasteur avait cru bien faire de se prononcer dans le même sens. » De telles

  1. Manual, 4 mai.
  2. Ibid., 10 juin.
  3. Ibid., 30 juillet.
  4. Ibid., 3 août.
  5. Vulliemin, Histoire de la Suisse, 2e édit., 2 vol. in-18 ; Lausanne, 1839, t. II, p. 383-357.
  6. A. Cérésole, p. 114-115.
  7. P. 112. — M. A. Cérésole mentionne aussi une brochure dirigée contre la fête, qui fut publiée à Lausanne, à l’imprimerie Ducloux : je ne l’ai pas trouvée dans les Archives et n’ai pu me la procurer.